Le marché des classes préparatoires aux grandes écoles relève essentiellement d’une production spécifique, taillée sur mesure en fonction des programmes. Pourtant, la frontière avec la production universitaire est parfois ténue. L’exemple typique est celui de l’épreuve littéraire de français-philo que doivent passer les élèves des prépas scientifiques, avec un thème qui change tous les ans. Si les éditeurs implantés sur le marché des prépas développent chaque année des titres correspondant au programme, le thème de cette année, « la parole », a aussi permis à La Découverte de mettre en avant deux ouvrages traitant de la question : La parole manipulée et Eloge de la parole. « Nous en avons vendu deux fois plus qu’une année normale. Il ne fait pas de doute que c’est lié à des prescriptions en lien avec le programme des prépas », observe Bruno Gendre, directeur commercial.
Parfois, un ouvrage du fonds peut même faire l’objet de prescriptions et générer un surcroît de ventes. Ce fut le cas en 2011 avec les Pensées sur la justice de Blaise Pascal, qui se sont écoulées à près de 5 000 exemplaires en prépa scientifique. Plus largement, la collection universitaire « Cursus », chez Armand Colin, trouve des acheteurs jusque parmi les préparationnaires, même si « ce n’est pas son objectif premier », souligne Stéphane Bureau, directeur délégué à l’édition de la maison.
La bonne fortune des ouvrages universitaires généralistes reste cependant rare, nuance Brieuc Bénézet, directeur général d’Ellipses. « Quand un ouvrage n’a pas été conçu spécialement pour la prépa, il est concurrencé par des titres qui, eux, le sont, rappelle-t-il. Il a donc peu de chances d’être prescrit. »« Les prépas sont loin de représenter l’essentiel de notre production éditoriale, complète Bruno Gendre. Nous ciblons surtout les prépas sciences po et économiques via notre collection “Repères?. Nous bénéficions des prescriptions sur certains “Grands repères? comme le Lexique de sciences économiques et sociales, mais elles s’effritent un peu. »
Vision utilitariste.
De la même façon, aux Puf, hormis quelques titres de la collection « Que sais-je ? » qui trouvent preneurs dans les classes prépas, notamment en géopolitique, c’est la collection « Major », spécialement conçue pour les préparationnaires, qui concentre l’essentiel de l’activité avec des ventes moyennes comprises entre 1 000 et 1 500 exemplaires. « On peut sans doute le déplorer, mais les étudiants qui préparent les concours aux grandes écoles ont une vision utilitariste de leur formation. Ils veulent des livres qui contiennent tout le nécessaire, et rien de superflu. En classe prépa, il y a beaucoup de travail, ils n’ont pas le temps de s’encombrer de choses annexes », analyse Pascal Gauchon, le directeur de la collection.Quelques débouchés existent pourtant, pourvu que l’étudiant y trouve son intérêt. Ainsi, à la marge des programmes de prépas, Foucher propose des tests psychotechniques intitulés Tous les tests psychotechniques et Plus de tests psychotechniques. « Ces titres se vendent très bien, ils sont destinés à un public plus large que les prépas, mais nous avons beaucoup de préparationnaires qui en achètent pour optimiser leurs chances de réussite », explique Marilyse Vérité, responsable éditoriale. A la marge, toujours, La Découverte publiera fin août un livre d’enquête sociologique consacré aux classes préparatoires et intitulé Cap prépas, sociologie d’une jeunesse au travail. « Il s’agit d’une enquête de plusieurs années sur les prépas en maths sup, maths spé et sciences économiques, dévoile Bruno Gendre. On y apprend d’où viennent les élèves, ce qu’ils deviennent. C’est un titre qui intéressera sûrement les parents des étudiants, voire les étudiants eux-mêmes. » <