29 mai > Récit France > Gaspard Dhellemmes

Quel roman que cette vie, celle de François-Marie Banier, rejeton malheureux, humilié, frappé, d’une famille bourgeoise déclassée du 16e arrondissement de Paris, qui transformera ses complexes en armes de guerre, et mettra à profit les dons que la nature lui a donnés : beauté, séduction, vivacité d’esprit, mais aussi absence totale de scrupules pour réussir, selon sa définition de la chose. C’est-à-dire devenir le plus tôt possible riche et célèbre, entrer dans l’intimité des stars et des milliardaires, voire en devenir un lui-même. Banier, c’est un Rubempré, un Bel-Ami d’aujourd’hui, la gérontophilie en plus.

Car ce que montre bien Gaspard Dhellemmes, journaliste politique qui s’était plutôt intéressé jusque-là à Anne Hidalgo ou à Nathalie Kosciusko-Morizet (mais il y a aussi, dans la vie de Banier, un épisode "politique", quand il devient, dans les années 1980, le chouchou de Mitterrand, qui appréciait son insolence), c’est que, si sa "love affair" avec Liliane Bettencourt fut l’acmé de sa longue carrière, ce n’était pas son coup d’essai, loin s’en faut. Dès son adolescence, François-Marie s’est introduit dans les familles des autres (un psy en trouverait une explication facile), a cherché à rencontrer des gloires, souvent âgées, qui lui ont servi, volontairement au début, de marchepied : Aragon, Pierre Cardin ou Marie-Laure de Noailles, qui lui présente Bernard Privat, alors patron de Grasset, qui sera son premier éditeur. On est en 1969, l’écrivain-prodige a 22 ans, ses Résidences secondaires font de lui illico un dandy de Saint-Germain-des-Prés. Banier, lui, goldenboy, investit dans la pierre.

Il embobine Françoise Giroud, Yves Saint Laurent (qui le surnomme "Nichapou"), Marie-Hélène de Rothschild, Madeleine Castaing, et même le farouche Beckett. Mais pas Pierre Bergé, ni les Schlumberger. Les Bettencourt, en revanche, rencontrés dès 1992 par l’entremise d’Arielle Dombasle, amie de leur fille, Françoise Meyers (qui appelle Banier "Raspoutine"), succombent. Liliane surtout, qui dit de son ami : "Il m’a rénovée", et en fait un nabab. Avec la suite que l’on sait. Pathétique.

Dhellemmes a mené son enquête, rencontré des "proches du dossier", mais peu Banier, qui, dit-il, n’a pas voulu coopérer sans contrôler. L’auteur a refusé. Cela est tout à son honneur et fait la qualité de son livre. J.-C. P.

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