Consacré en janvier dernier par le grand prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, Bernard Consendai, dit Cosey, a construit une œuvre double. D’un côté, une série voyageuse et romantique, Jonathan (16 albums au Lombard), inspirée par l’attrait de l’Asie et le "flower power" de sa génération - il est né en 1950. De l’autre, une douzaine d’histoires singulières, également tendres et mélancoliques, dont A la recherche de Peter Pan (Le Lombard, deux volumes en 1984 et 1985), Le voyage en Italie (Dupuis, 1988), ou une libre plongée dans l’univers de Mickey Mouse (Une mystérieuse mélodie ou Comment Mickey rencontre Minnie, Glénat, 2016). Point commun : le traitement de la lumière, le choix et l’utilisation des couleurs. Une large palette de jaunes, d’orangés et d’ocres structure l’essentiel du travail du dessinateur suisse. La parution de Calypso, entièrement en noir et blanc, chez un éditeur, Futuropolis, pour lequel il n’avait jamais travaillé, marque une vraie rupture.
Calypso, c’est le film qui a lancé, aux Etats-Unis, l’actrice d’origine suisse Georgia Gould, arrachée pour ce long-métrage, où elle interprète une sirène, à ses montagnes et à son amour de jeunesse, Gus. Cinquante ans après, ce dernier, ouvrier dans les travaux publics, n’a pas oublié. Apprenant que Georgia est de retour en Suisse, quasi séquestrée par son médecin dans une clinique qui doit la désintoxiquer, il se met en tête de la libérer, entraînant dans son entreprise un collègue catalan, Pepe, obsédé par la perspective d’ouvrir un restaurant de fondue en Catalogne.
A ce stade, on se croit embarqué dans une affaire de branquignols, un casse du troisième âge, un enlèvement mené par de vieux chevaux de retour. Cosey assume avec humour, sans se départir du regard tendre qu’il porte sur ses personnages. Traitant le noir comme une couleur, il les fait émerger du blanc dans toute leur force et leur sensibilité. Mais, il réserve aussi de nombreuses surprises, distillant dans ses planches un optimisme réjouissant. Fabrice Piault
