A priori, Jo, le narrateur, avait tout contre lui à sa naissance : un père ancien éboueur devenu un zombie devant sa télé, une mère battue qui a basculé dans une sorte de folie et dans l'alcool. Dans sa cité du nord de Paris, ce n'est pas la misère, mais pas loin, et la débrouille avec ses potes Mouss et Steeve, qui deviendront de prospères dealers. Lui-même mène une vie de patachon, pastis, spliffs et cigarettes, et enchaîne les râteaux avec les filles. Même Perle, sa « douce », le plaque. Ensuite, il y aura Adèle, puis Ysia, trop amoureuse, trop embourgeoisée pour lui. Parmi ses autres potes de Tolbiac, où il suit des études de philo, il y a Benjamin, et Charles, dit Charlo, misanthrope, royaliste, logorrhéique, qui vitupère contre tous les « guignols équitables ».

Au début, dans un style chaloupé qui emprunte pas mal au rap, un tantinet difficile à décoder pour le non-initié, Jo nous emmène dans son univers, comme dans un grand bal où ça chaloupe. Et puis tout bascule au moment où, grand lecteur de Baudelaire puis de Nietzsche, il décide de se mettre à l'écriture : d'abord d'un blog littéraire quotidien qui capotera, ensuite d'un livre, celui-là même que le lecteur tient entre ses mains. La boucle est bouclée, au prix de bien des tribulations, et dans une écriture devenue limpide, parfois superbe. C'est original, enlevé et, en effet, Yoann Elmaleh appartient à la « race écrite ».