5 janvier > Roman France > Jean-François Kervéan

Un peu à la manière d’un Jean Teulé, Jean-François Kervéan a entrepris de réécrire un certain nombre d’épisodes de l’histoire, célèbres certes, mais qui fascinent toujours le lecteur moderne. Après s’être occupé de Louis XIV dans Animarex (Robert Laffont, 2015), le voici qui rend visite à la lointaine Sparte, en 480 avant Jésus-Christ, au moment de la fameuse bataille des Thermopyles, qui vit le roi Léonidas Ier, avec ses 300 vaillants hoplites d’élite, résister et retarder significativement l’armée de l’empereur perse Xerxès Ier, forte de ses 200 000 hommes, dont 10 000 Immortels. Les 300 ont été tués, Hollywood en a même fait un film, un péplum bien sanglant.

Le roman, lui, commence en amont, avec le personnage d’Aphranax Carthas, fils de Gorgophoné, une maîtresse femme, et d’Artys, mort dans un combat précédent. En dépit de ses problèmes d’asthme, le garçon, surnommé Biquet, va subir tout le cursus éprouvant de l’éducation des jeunes Spartiates : dressage, errance, puis la cryptie, cette nuit où chacun a le droit de massacrer qui lui chante. Et il ne va pas s’en priver, supprimant l’ilote amant de sa mère, ainsi que son fils. Dans l’Antiquité, Lacédémone était connue comme la ville la plus martiale, la plus violente, la plus "collectiviste" de Grèce, tout à l’opposé de l’élégante, intellectuelle et démocratique Athènes, sa rivale de toujours.

L’hyper-militarisation de la cité a porté ses fruits : elle a donné à la Grèce, lorsque celle-ci parvint à s’unir contre l’envahisseur, les meilleurs de ses guerriers. Ainsi aux Thermopyles, dix ans après Marathon. Kervéan fait d’Aphranax, flûtiste sacré au temple d’Athéna, le 301e hoplite, qui tombera aux côtés de Léonidas, une brute épaisse mais aussi un sacré gaillard, à qui l’unissait un lien ambigu. Après cela, les Perses seront défaits sur mer à Salamine, puis à Platées.

Mais, selon Kervéan, qui mêle à son récit des digressions, des télescopages avec notre époque (comparant le sort des esclaves de l’Antiquité avec celui des migrants d’aujourd’hui), ou encore des analyses "politiques", l’exemple de Sparte a inspiré, fait rêver tous les dictateurs à venir (Robespierre, Napoléon ou Lénine, pour n’en citer que quelques-uns) et, pour 2000 ans, la monarchie a triomphé de la démocratie. Libre aux historiens d’être d’accord ou non avec cette thèse. Les amateurs de romans dans l’histoire, eux, se réjouiront de cette fresque à grand spectacle, de cette érudition réelle mais jamais pesante, de cette liberté de ton, et de cet humour dans l’écriture, qui se permet toutes les familiarités.

Jean-Claude Perrier

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