Femme fantôme. Même s'il s'agit bien là de la résurrection, voire de la réhabilitation, d'une femme, Mileva Maric (1875-1948), épouse d'Albert Einstein (1879-1955) rejetée dans l'ombre de son illustre mari dont elle a partagé la vie de 1896 à 1913, notre confrère Laurent Lemire a pris garde de tomber dans l'excès : Mileva Einstein n'est en rien comparable à une Marie Curie (par ailleurs plus célèbre que Pierre). Brillante « femme savante » elle-même, compensant toute jeune sa disgrâce physique par sa passion pour les sciences (mathématiques, physique) et pour la musique, elle aida Einstein dans ses premières recherches qui l'ont conduit, en 1905, à formuler sa théorie de la relativité, découverte qui a changé le monde et lui a valu le prix Nobel de physique en 1921. Mileva et Albert ne furent pas un couple fusionnel. Sans doute parce que le garçon, issu de la grande bourgeoisie allemande juive libérale, fantasque, exubérant, séducteur (il eut de nombreuses maîtresses, et, probablement, quelques enfants illégitimes), rebelle à toute autorité, ne l'a pas voulu, cantonnant sa femme au rôle d'épouse et de mère de leurs deux fils- dont l'un, Eduard, était un dangereux schizophrène. Sans doute aussi parce que Mileva rendait la vie impossible à son époux. À travers ces destinées parallèles, qui finissent par se rejoindre puis se séparent, Laurent Lemire compose habilement un double portrait contrasté, sans manichéisme. De cette plongée dans les coulisses de la gloire, on conserve l'impression d'un regrettable gâchis humain.