Un atelier plutôt qu’un laboratoire ou encore un dictionnaire amoureux, comme on voudra. Nicolas Grimaldi a souhaité mettre de l’ordre dans ses idées. A 81 ans, c’est bien le moins que pouvait faire cet ancien professeur d’histoire de la philosophie moderne et de métaphysique à l’université Paris-4 Sorbonne, spécialiste de Descartes et grand amateur de littérature.
Après s’être intéressé aux dérèglements de la passion dans Métamorphoses de l’amour (Grasset, 2011), avoir livré son désenchantement éclairé dans L’effervescence du vide (Grasset, 2012) et analysé le snobisme et le dandysme dans Les théorèmes du moi (Grasset, 2013), Nicolas Grimaldi revient aux Puf où il a publié l’essentiel de son œuvre.
On retrouve ainsi dans Les idées en place ses grands thèmes de prédilection : l’amour ("C’est la seule justification de l’existence"), l’attente ("Nous vivons d’attendre"), la conscience ("Condition de toute représentation, elle n’est pas représentable"), la vie ("Comme on passe sa vie à vivre, on oublie de s’en étonner"), etc.
Pour chaque notion, il propose sa définition et montre comment on peut l’utiliser, comment se façonne une réflexion, comment elle s’affine aussi au fil de l’expérience sans laquelle il n’y a pas de raisonnement. On circule ainsi dans cet atelier des idées comme dans celui d’un artisan. On s’extasie sur quelques pièces connues, on s’étonne sur d’autres plus inattendues, mais on est toujours épaté par le savoir-faire, ce tour de main de la pensée, pour utiliser une expression incongrue mais qui traduit bien ce que l’on ressent.
Il y a aussi de la malice dans cet ouvroir philosophique, par exemple dans l’évocation du doute. "Hors quelques évidences mathématiques et deux ou trois choses absolument inutiles, comme de savoir que pour penser il faut être, qu’y a-t-il qui ne soit douteux ?"
Avec la même verve mélancolique, Nicolas Grimaldi nous rappelle que le changement c’est tout le temps, sinon il n’y aurait pas de temps, et que la certitude de ne pas nous tromper ne nous empêche pas de faire des erreurs. Toujours ce goût pour le paradoxe qui en dit long sur nos incertitudes.
Bien mieux que des essais quelquefois abstrus, Nicolas Grimaldi nous offre de la philosophie claire, limpide, dans laquelle on peut se regarder pour y découvrir un peu de soi. Car contrairement aux idées reçues, l’obscur - voyez Heidegger - trahit non pas ce qu’il cache mais ce qu’il révèle.
L’auteur du Traité de la banalité (Puf, 2005) montre combien il ne cède pas à cette tentation de l’insignifiance dans son abécédaire intime qui court d’"Absence" à "Zèle". Autant d’articles en forme de petits traités qui finissent par rappeler l’autre nom que l’on donnait, il y a fort longtemps, à celui qui philosophait : un sage.
L. L.