Marko Voronine est à moitié nu, le visage en sang, ligoté aux chevilles et aux poignets, en pleine lutte contre la douleur et l’épuisement. Le héros du premier roman noir d’Emmanuel Grand vient de loin. Avec ses amis Anatoli Litovchenko, Vassili Burgyak et Iryna Belanov, il a d’abord quitté clandestinement son Ukraine natale en rêvant d’une nouvelle et meilleure vie en Europe.
Mais les choses ont vite mal tourné. La petite bande s’est retrouvée dans de sales draps et sous la menace de la mafia roumaine. Anatoli est parti à Marseille, Vassili et Iryna à Paris. Marko, lui, a atterri à la gare de Lorient, en quête d’un boulot. Une annonce dans LeTélégramme de Brest l’a conduit vers l’île de Belz, surnommée « l’île des fous ». L’Ukrainien y postule pour un contrat de trois mois. Une place de matelot, avec une part de pêche plus cinq cents euros, nourri, logé.
A Belz, où il prétend être grec et venir de Pyrgos, il est diversement accueilli. Sur place, il ne tarde pas à prendre conscience des vieilles rivalités, des secrets enfouis plus ou moins profondément qui ne demandent qu’à resurgir. La situation se complique quand Pierrick Jugand, marin pêcheur fort en gueule et au bout du rouleau, découvre un pied humain dans son chalut. Avant d’être sauvagement assassiné peu après…
Responsable du design du site d’un grand opérateur téléphonique, Emmanuel Grand prouve d’entrée de jeu qu’il a l’âme d’un conteur. Le natif de Versailles qui a passé son enfance en Vendée, à vingt kilomètres de la côte atlantique, tient serrés les rênes d’une intrigue parfaitement menée, tout en soignant le décor et le climat ambiant. Dès que Marko y a posé le pied, le lecteur est lui aussi immergé au cœur de Belz. Un lieu envoûtant et mystérieux qui pourrait rappeler l’île de Groix, où l’on croise un libraire, un abbé, une institutrice et Papou, un ancien matelot qui rend des petits services et qui se dit capable de sentir la présence de « l’Ankou », « l’ange de la mort »… On l’a compris, un détour à Belz s’impose. Alexandre Fillon