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Lancement mondial, mode d’emploi

L’hôtel des ventes londonien Sotheby’s accueillait la soirée Maestra le 20 janvier. - Photo Claude Combet/LH

Lancement mondial, mode d’emploi

A l’occasion de la publication le 10 mars par Laffont du thriller érotique Maestra, passage en revue des six principes clés de la mise sur orbite d’un blockbuster programmé.

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Par Claude Combet,
Créé le 05.02.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 05.02.2016 à 10h53

Robert Laffont publiera le 10 mars dans sa collection de thrillers "La bête noire" le premier volume de Maestra, une trilogie érotico-policière de la Britannique L. S. Hilton. Le titre bénéficiera dès le départ en France d’un tirage à 50 000 exemplaires. Achetée par 35 pays au britannique Bonnier UK, il a bénéficié d’un lancement mondial en grande pompe à Londres le 20 janvier, avec une réception chez Sotheby’s auquel tous ses éditeurs ont participé. Généralement plutôt réservé aux Etats-Unis et aux pays européens (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Espagne, pays scandinaves et Pays-Bas), ce type d’opération se prépare très à l’avance, obéissant à un marketing de plus en plus sophistiqué fondé sur six règles majeures.

Travailler en amont

Il ne suffit plus d’acheter les droits d’un livre. Désormais le buzz se prépare très en amont et le landerneau éditorial s’agite très tôt. La trilogie Maestra avait déjà été cédée à quinze éditeurs trois jours avant la Foire de Londres en avril 2015 et ils étaient plusieurs à enchérir dans chaque pays. L’éditeur américain Putnam l’a achetée pour deux millions de dollars et Laffont l’a emporté sur sept de ses confrères français. Pour Mark Smith, qui publie Maestra dans un nouveau label, Zaffre, au sein de Bonnier Publishing, c’est aussi le moyen de constituer une véritable communauté d’éditeurs avec lesquels il entretient des relations d’amitié. Pour cela, il a concocté un ""prepublication tour" qui ne s’était jamais fait", emmenant son auteure à New York, Barcelone, Paris, Milan, Stockholm, Munich, Amsterdam, Sydney et Melbourne, avant la Foire de Francfort. "Avant la visite, tout le monde chez Piper était excité par Maestra, maintenant tout le monde est complètement hystérique", lui a écrit l’éditeur allemand.

Prévoir une conférence internationale

Les conférences de presse réunissant journalistes et éditeurs du monde entier se déroulent généralement à Francfort. Ken Follett est un habitué du genre pour ses grandes trilogies historiques. Maestra y a eu droit comme La fièvre de l’aube du Hongrois Péter Gárdos, acheté par 30 pays et également publié par Laffont en avril. Une seconde soirée Maestra a été organisée le 20 janvier dans le très chic hôtel des ventes Sotheby’s sur New Bond Street à Londres, le roman se passant dans le milieu des enchères et des galeries d’art. 150 journalistes, libraires, éditeurs et responsables marketing des maisons étrangères y ont participé, attestant ainsi leur implication dans le projet.

Vendre des droits cinéma

Pour que le lancement soit parfait, Hollywood doit être sur les rangs. C’est même le clou de la conférence de presse. Tom Weldon, P-DG de Penguin, a annoncé à Bologne en présence du producteur Zander Bauman que Half bald, une trilogie fantastique pour les adolescents de la Britannique Sally Green, acquise par 47 pays et publiée en France chez Milan, avait été achetée par la Fox. "Nous avons envoyé le manuscrit à notre agent à Hollywood. Quinze jours après, nous étions en Californie", a raconté Mark Smith le 20 janvier. La scénariste Erin Cressida Wilson, qui travaille déjà à son adaptation pour Columbia (on lui doit celle de La fille du train), était d’ailleurs l’invitée d’honneur aux côtés de Lisa S. Hilton.

Garder le secret

Pour créer le buzz et "éviter le piratage", rien ne vaut un secret bien gardé. Le premier à en jouer fut bien sûr Harry Potter. Tout le monde a en mémoire le lancement en 2013 du dernier Dan Brown, Inferno, avec deux pôles de traducteurs, l’un à Milan, l’autre à Londres, enfermés comme dans un bunker, interdits de communication avec l’extérieur et de recherches sur le Web. Pour Millénium 4, David Lagercrantz, qui a succédé à Stieg Larsson, a rédigé son texte sur un ordinateur sans connexion à Internet tandis que son éditeur suédois Norstedts informait avec parcimonie. Pas de secret pour Maestra, mais il peut arriver que l’éditeur étranger découvre le texte après parution aux Etats-Unis. Dans tous les cas, les informations sont ensuite distillées au compte-gouttes sur les réseaux sociaux, afin d’alimenter le suspense.

Uniformiser le graphisme

C’est le rêve de tout directeur du marketing : voir le même objet dans toutes les librairies du monde. La Warner n’avait pas réussi à imposer la même couverture pour Harry Potter, mais les quatre volumes de Cinquante nuances de Grey de E. L. James ont eu les mêmes dans le monde entier, sauf en Allemagne. Nombre d’éditeurs de Maestra ont adopté la couverture britannique représentant une toile rouge déchirée, évoquant savamment à la fois le monde de l’art et les meurtres. Mais certains, comme l’éditeur espagnol Roca avec sa couverture blanche, choisissent de se démarquer.

Partager le marketing

C’est la nouvelle tendance mondiale : mettre à la disposition des partenaires étrangers une plateforme que chacun alimente et dans laquelle il peut puiser bonnes idées ou trailers chers à fabriquer. Penguin avait testé le système en 2014 pour la trilogie fantastique Half bald. Pour Maestra, ont été mis sur Google Drive le texte, les couvertures, la quatrième de couverture, les trailers, les affiches, les publicités et tout le matériel promotionnel imaginé par ses éditeurs. Promesse, le nouveau polar du Danois Jussi Adler-Olsen paru en janvier (Albin Michel) et La fièvre de l’aube de Péter Gárdos ont leur plateforme.

"Le partage d’expériences alimente notre réflexion et donne des angles sur le positionnement, même si nous n’avons pas tous le même", commente Céline Chiflet, directrice du marketing de Laffont. Celle-ci s’est par exemple inspirée de la boîte en bois (sur le modèle de celles utilisées pour le transport des toiles) "Massacre ton Lucio Fontana", envoyée par Zaffre en décembre à la presse britannique pour expédier ce mois-ci les épreuves du livre dans une véritable toile rouge reprenant la couverture. De son côté, l’éditeur italien Longanesi a convié les libraires à une soirée mystère, sans donner le titre du livre ni son contenu, dans un lieu artistique : une galerie d’art contemporain à Milan, le musée d’art de la Renaissance de Padoue et la Fondation Cini à Venise. Il faut savoir s’adapter au pays.

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