S'il s'est montré très actif sur le front théâtral, Florian Zeller n'avait pas publié de roman depuis Julien Parme (Flammarion 2006, repris en J'ai lu). Délaissant la rue Racine pour la nouvelle rue Gaston-Gallimard et la fameuse couverture blanche, il opère son retour en librairie avec La jouissance dont le sous-titre est Un roman européen.
Nicolas et Pauline vivent ensemble depuis deux ans. Le premier est un jouisseur, la seconde une angoissée. Les deux raffolent de la chanson Perfect day de Lou Reed et appartiennent à une génération "qui est complètement passée au travers des filets de l'Histoire : pas de victoire, pas de bourreau, pas de sang". Nicolas a eu un arrière-grand-père issu de la grande aristocratie russe qui s'est reconverti en chauffeur de taxi lorsqu'il s'est exilé à Paris. A 30 ans, ce fou de cinéma n'est pas devenu le réalisateur reconnu qu'il aurait voulu.
Pauline, 28 ans, travaille quant à elle dans une grande entreprise de cosmétique. Elle a perdu son père, adore André Breton et a eu un chat baptisé Platon dont elle s'est séparée car Nicolas ne supportait pas ses poils. Le constat fait par Florian Zeller se révèle plus terrible encore que celui de Frédéric Beigbeder. A l'en croire, l'amour ne dure pas trois ans mais deux. Désormais, quand il fait l'amour avec Pauline, Nicolas imagine que se joint à eux Sofia, une jeune Polonaise, qui ne croit pas à l'amour et veut être libre.
Dans son portrait générationnel réussi, l'auteur de La fascination du pire (Flammarion 2004, prix Interallié, repris en J'ai lu) convoque Milan Kundera et Adam Thirlwell, Jean-Paul Sartre et Michel Leiris. Il est aussi question de l'Europe, de la Roumanie et la Pologne. De jalousie et de dispute. De la tentation qui s'abat sur Nicolas lorsqu'il retrouve Victoria, mannequin posant en sous-vêtements pour des photos, qu'il rejoint dans la chambre 201 d'un hôtel parisien. La vie est courte et le désir sans fin, semble dire Zeller, dont les héros se heurtent aux vitres du quotidien.