4 janvier > Premier roman France > Arthur Cahn

Sans doute parce qu’il est cinéaste, préparant son premier long-métrage après avoir réalisé plusieurs documentaires, Arthur Cahn, quoique jeune (il est né en 1984), possède un certain nombre de qualités filmiques, communes avec l’écriture romanesque : l’acuité du regard, le sens des situations, l’art de la mise en scène et celui des dialogues. Le tout sans esbroufe aucune, ni recherche de l’effet. Son écriture est volontairement prosaïque, son ton juste, au plus près de chacun de ses personnages, qu’il met en présence puis dont il analyse la psychologie et les comportements, presque en vase clos.

Les Renard passent leurs vacances dans la maison familiale. Il y a le père et la mère, dont on ne saura même pas les prénoms, lui juste une silhouette, elle aimante mais dépassée par les événements, qui gâchent leur temps à se quereller. A cause d’une infidélité du mari, le couple risque de divorcer. On rentrera à Paris prématurément, et les vacances seront écourtées. Au grand regret des enfants, Maude, la cadette, bien futée pour ses 7 ou 8 ans. Et Paul, 14 ans, bientôt 15, un ado en pleine puberté, qui semble déjà assez fixé sur son orientation sexuelle. Ce qu’il aime, au grand dam d’Arnaud, le beau-fils du jardinier, rouquin de 19 ans épris de lui, ce sont les mâles, les vrais, les virils, les poilus. Bon élève, quand il ne lit pas de littérature, il se masturbe sur les scènes les plus osées des Amazones de Pyong-yang, un SAS, mais pas pour les filles à forte poitrine. Non, l’objet de ses fantasmes, c’est Malko.

Aussi craque-t-il tout de suite pour Hervé, un quadragénaire ami de son odieuse tante Béné, venu en vacances avec elle, "en copains". Maude la finaude a pressenti, bien avant Paul, qu’il est gay, et que son aîné en est tombé amoureux. Mais leurs rencontres ont toujours lieu dans le cadre familial, et rien ne dit qu’Hervé apprécie les puceaux grassouillets. Alors, comme nous vivons une époque connectée, Paul va s’inscrire sur le site de rencontres Grindr, y tomber sur Hervé (RV), se faire passer pour plus âgé, plus expérimenté, pour le plaisir de chatter, de draguer à visage couvert. Et ça marche. La proie mord à l’hameçon, se confie, raconte sa vie quotidienne, ignorant que son interlocuteur se trouve à quelques dizaines de mètres de lui. Quant à se rencontrer, à passer à l’acte, c’est une autre histoire…

Tout en subtilité, en retenue, ce roman un tantinet pervers, qui sonne vrai et ne dérape jamais, explore à sa façon le labyrinthe infini de l’adolescence. A la fin, Paul "ne sait pas si [Hervé] sait". Peut-être l’apprendra-t-on dans le film. Jean-Claude Perrier

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