Une veuve middle-class très convenable en apparence qui consent à jouer les voyeuses des ébats sexuels de ses jeunes locataires impécunieux et y prend un plaisir de plus en plus compulsif. Une famille bien banale où le mari a une liaison avec un flic qui devient son maître chanteur tandis que sa femme, sous prétexte de lui donner des conseils financiers, couche avec son beau-père dont elle aura même des jumeaux, endossés par le mari. La belle-mère, pour sa part, acariâtre comme il se doit et très "vieille Angleterre", aura aussi une amourette avec le gay-ripou !
Dans les deux nouvelles qui composent son nouveau recueil, Smut : two unseemly stories - titre plus explicite et plus provocateur que le "français" So shocking !, puisque smut signifie "cochonnerie" -, Alan Bennett s'est lâché. Rarement son humour aura été aussi noir, aussi corrosif. L'écrivain renoue ainsi avec la veine de ses débuts - comme Espions et célibataires, publié chez Bourgois en 1994 -, bien plus coruscante par exemple que La reine des lectrices, un petit bijou paru chez Denoël en 2009, mais plus glamour et presque BCBG. Ici, que ce soit avec Mrs Donaldson, la Maud indigne qui finira même par passer à l'acte avec un Harold dès que la petite amie d'icelui aura tourné les talons, ou avec cette famille Forbes où il n'y en a pas un pour racheter l'autre, Alan Bennett nous plonge dans l'Angleterre profonde, celle des Enquêtes de l'inspecteur Barnaby, les crimes en moins - jusqu'à présent. Mais cela pourrait venir, car tous les mobiles sont déjà réunis : argent, sexe, jalousie, trahison, chantage, corruption, peur du scandale...
Raconté façon Bennett, c'est-à-dire avec brio et flegme à la fois, comme s'il s'agissait d'un match de polo, tout cela est dé -sopilant, et aussi presque angoissant. Quelles turpitudes dissimulent les personnes que nous coudoyons tous les jours et remarquons à peine ? A qui se fier ? Heureusement pour nous, ce genre d'histoires amorales serait totalement inconcevable de ce côté-ci du Channel.
