6 novembre > récits France

Il est bon que l’année 2014 s’achève avec le retour en librairie de Pierre Autin-Grenier, qui a tiré sa révérence en avril dernier. Chez Finitude, on a bien fait les choses. Une manière d’histoire saugrenue rassemble une belle poignée d’hommages à l’auteur de Je ne suis pas un héros (Gallimard, "L’Arpenteur", 1993, repris chez Folio). On trouve là des contributions de Dominique Fabre et Martine Laval, de Brigitte Giraud et Eric Holder, qui évoque son "regard d’enfant meurtri, réfugié derrière une barde de chinois". Mais aussi une correspondance avec Christian Garcin ou un poème d’Antoine Volodine. Au hasard d’une page, voici Eric Vuillard, qui l’a d’abord vu en peinture avant de passer une soirée mémorable en sa compagnie, à Lyon. Ou Franz Bartelt pour qui PAG était d’abord poète, et Arno Bertina, qui trouve qu’il y avait en lui du "Pardaillan" et le sentait toujours "disposé à aimer".

Doté d’une postface du peintre Ronan Barrot, Analyser la situation s’avère un concentré de pur Autin-Grenier - lequel dédie le volume à son cancer et à sa femme, Aline. On accompagne d’abord un narrateur roulant à tombeau ouvert au volant d’une Ford sur une route départementale. Le bonhomme est déboussolé, dans une nuit "aussi sombre qu’un roman russe". Il sent qu’il a grand besoin de sortir de l’ornière où il s’est laissé "embourber depuis la nuit des temps". Ce qui ne l’empêche pas de repenser à de drôles d’histoires.

Plus loin, on croise celui qui rêve de jouer à l’écrivain, de décrocher la timbale. Un rêveur d’Amérique avouant un penchant pour "le bizarre et l’excentrique". Un dilettante qui a l’habitude depuis de longues années de jouer "à cache-cache avec les mots et s’en amuser avec l’air de ne pas y toucher". Dans la salle d’attente d’un dentiste, en feuilletant un magazine, il y a aussi celui qui découvre non sans stupeur que le plat favori de Jim Harrison quand il vient à Paris est le ris de veau accompagné de morilles fraîches et de poireaux sauvages. L’article ne mentionnant pas s’il accompagne la chose d’un bandol de chez Tempier !

Ici, la magie opère à chaque page. Où l’on accompagne volontiers un prosateur estimant fort justement qu’"étourdir une vie de vent, de chimère et de fantaisie parfois suffit". Ce Pierre Autin-Grenier qui nous manque et qui savait comme personne "prendre le temps de faire court", comme le note si joliment Ronan Barrot. Al. F.

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