RNL 2017

La Rochelle : l’université d’été des libraires

Une assemblée plénière dans l’espace Encan. - Photo Olivier Dion

La Rochelle : l’université d’été des libraires

Portées par une génération montante de libraires trentenaires, les 4es Rencontres nationales de la librairie ont attiré, dans une ambiance conviviale et constructive, les 25 et 26 juin à La Rochelle, plus de 830 professionnels et la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Une édition qui devrait faire école.

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Par Clarisse Normand,
Cécile Charonnat,
Créé le 30.06.2017 à 09h50

Un collectif constructif. C’est ainsi que sont apparues les 4es Rencontres nationales de la librairie (RNL), organisées dans la jolie ville portuaire de La Rochelle les 25 et 26 juin par le Syndicat de la librairie française (SLF). Sous un soleil estival, l’événement a rassemblé 831 professionnels, dont plus de 500 libraires et près de 200 éditeurs et diffuseurs parmi lesquels Antoine Gallimard et Bruno Caillet (Madrigall), Jacques Glénat, Laurent Beccaria et Sophie de Sivry (Groupe du 27), Hugues Jallon (La Découverte), Louis Delas (L’Ecole des loisirs), Francis Lang (Hachette), Pascale Buet et Jean-Paul Alic (Interforum) ou Sylvie Marcé (Belin). Il s’est déroulé dans une ambiance détendue et conviviale, mais aussi dans la concentration pour des échanges riches sur le métier. Loin de l’esprit très revendicatif des premières rencontres, à Lyon en 2011 et à Bordeaux en 2013, cette nouvelle édition a prolongé le tournant amorcé à Lille en 2015.

L’atelier "S'organiser dans une petite librairie : gérer son temps, répartir les tâches et les responsabilités".- Photo OLIVIER DION

A côté des séances plénières consacrées aux sujets de fond, le SLF a fortement développé dans la manifestation les ateliers de travail en petit comité, dédiés à des problématiques concrètes et orientés vers la recherche de solutions. "Alors que j’avais senti beaucoup d’aigreur et d’agressivité à Bordeaux en 2013, au point d’en repartir avec un certain malaise, se souvient Coline Hugel (La Colline aux livres, Bergerac), cette année, à l’inverse, j’éprouve un super sentiment car il y a eu beaucoup d’énergie positive et de créativité dans les échanges." Cette analyse est partagée par la plupart des participants. Pour Isabelle Colin (Quai des mots, Epinal), "ces rencontres étaient les meilleures. Le lieu était parfait, l’organisation impeccable, et les différents formats de rencontres idéalement équilibrés".

Entre deux ateliers, on poursuit les conversations sur le quai, à l’arrière de l’espace Encan.- Photo OLIVIER DION

En famille

A la fin d’un premier semestre difficile pour l’ensemble de la chaîne du livre, l’événement, qui s’est déroulé à l’espace Encan, un lieu vaste et lumineux installé sur un quai du port de La Rochelle, est apparu comme un moment de retrouvailles, voire "de fraternité" selon Wilfrid Séjeau (Le Cyprès-Gens de la lune, Nevers) qui évoque "des échanges chaleureux et fluides entre tous les participants". De même, Christel Rafstedt (Le Livre dans la théière, Rocheservière) a eu le sentiment de se retrouver "en famille".

Rencontre en petit comité avec Françoise Nyssen. Au centre, Matthieu de Montchalin, président du Syndicat de la librairie française, à droite, Xavier Moni, vice-président.- Photo OLIVIER DION

Cette impression a été confortée par l’esprit festif de la soirée organisée dimanche en présence du journaliste François Busnel, et au cours de laquelle Matthieu de Montchalin, président du SLF, a souhaité en musique un joyeux anniversaire à Laurent Beccaria pour les 20 ans de sa maison d’édition, Les Arènes. Même la venue, le lendemain, de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, que beaucoup connaissaient déjà comme présidente du directoire d’Actes Sud, n’a pas pris les allures protocolaires habituelles. Son discours, empreint d’une certaine émotion, a été très apprécié bien qu’il n’ait contenu aucune annonce particulière pour la profession.

Des échanges plus ouverts

Au-delà de l’ambiance, les RNL 2017 ont surtout été marquées par la teneur des échanges, plus ouverts sur la diversité des problématiques du métier de libraire. Cet élargissement des préoccupations était perceptible autant dans les face-à-face entre libraires et éditeurs que dans les séances plénières et les ateliers.

Au nombre de trente, ces derniers ont bien sûr fait la part belle aux sujets traitant des relations libraires-représentants ainsi qu’aux nouveaux outils de marketing et de gestion, en particulier à l’Observatoire de la librairie. Mais ils ont aussi concerné des sujets très divers, témoignant, selon Sylvie Maillet (réseau Fontaine, Paris) "de la richesse des problématiques". Entre "Les cinq bonnes raisons de passer à la facture dématérialisée" et "Comment réussir une reprise/cession de librairie", en passant par "Comment mieux vendre des livres de fonds" ou encore "Réservations et ventes en ligne : qu’est-ce que ça rapporte ? comment ça marche ?", ces sessions de travail étaient clairement orientées vers le partage d’expériences. "Portés par une envie d’innovation et de professionnalisation, analyse Wilfrid Séjeau, les libraires ont montré beaucoup de créativité sur certains sujets comme l’usage des réseaux sociaux et la gestion des relations avec leurs clients."

De plus en plus consciente, à l’instar d’Olivier Rouard (réseau Charlemagne, dans le Var), de "la nécessité de remettre le client au cœur du dispositif", la profession a particulièrement plébiscité l’atelier intitulé "Fidéliser ses clients autrement qu’avec un rabais de 5 % : quels outils mettre en place ?". Intervenant comme auteur d’un mémoire universitaire sur le sujet, Jean-Claude Caro a d’ailleurs salué, à l’issue de cette session, "le chemin parcouru par les libraires, qui ont compris qu’en se donnant les moyens de mieux connaître leurs clients, ils avaient un formidable potentiel de croissance à exploiter".

Sans agressivité

Enfin, s’ils n’ont pas évité les sujets qui fâchent, les participants aux RNL les ont abordés sans agressivité et dans un esprit constructif. Amanda Spiegel (Folies d’encre, Montreuil) n’a pas hésité, lors de l’atelier sur les ventes des livres de fond, à valoriser à titre d’exemple les négociations menées entre Initiales et Interforum qui ont permis aux librairies du groupement de bénéficier d’un taux de remise de 43 % sur certains titres.

Incontestablement, donc, le principe des ateliers en petit comité a plu, en dépit de quelques bémols liés surtout à l’inégalité des contenus. "Alors que j’attendais beaucoup de certains ateliers, lance Gonzague Steenkiste (Le Bateau livre, Lille), j’en suis sorti déçu car je suis resté sur ma faim… A l’inverse, les plénières où je pensais m’ennuyer m’ont passionné." Saluant elle aussi "la qualité et la profondeur des plénières qui ont permis de mettre en perspective le métier", Sylvie Maillet reconnaît avoir particulièrement apprécié le sujet sur les territoires et la dévitalisation des centres-villes.

De leur côté, éditeurs et diffuseurs ne cachent pas non plus leur satisfaction à l’issue de ces rencontres, jugées "très festives et très professionnelles" par Bruno Caillet, directeur de la diffusion Madrigall. Tandis que certains saluent la professionnalisation des libraires du second niveau qui ont su se faire entendre d’une voix cohérente et structurée, d’autres se disent heureusement frappés par le renouveau générationnel perçu lors de ces rencontres. Pour Louis Delas, directeur général de L’Ecole des loisirs, "la participation de ces jeunes libraires entreprenants, pragmatiques, professionnels et décomplexés, dans l’écoute et la construction, est porteuse d’avenir pour les différents métiers du livre".

Une nouvelle forme de militantisme

Ce renouveau, selon Matthieu de Montchalin, n’est pas sans lien avec "l’évolution du syndicat qui a su ajouter des cordes à son arc. En proposant des services en plus, comme l’Observatoire et les formations, le SLF a attiré de nouveaux libraires et favorisé une nouvelle forme de militantisme." Cette dernière est plus que bienvenue étant donné le travail restant à accomplir. Rappelant, en présence de la ministre, qu’un "libraire indépendant n’atteint son point mort financier de l’année que le 27 décembre à 17 heures", le président du SLF a pointé la persistance du problème de la rentabilité dans le métier. Il a appelé Françoise Nyssen à "prendre la tête de négociations pour permettre aux libraires d’améliorer de 2 points cette rentabilité".

En attendant, les libraires sont repartis de La Rochelle avec des idées plein la tête et l’envie d’appliquer dans leur magasin les bonnes pratiques éprouvées par leurs confrères. Isabelle Colin se félicite d’être venue, cette année, accompagnée de deux membres de son équipe. Pour elle, "outre les liens qui ont été tissés au cours de ce déplacement en commun, je sais que je vais gagner du temps à mon retour pour faire adhérer le reste de l’équipe aux projets rapportés de ces rencontres". C. N.

Libraires et diffuseurs en tête-à-tête

Speed dating. Au centre, Karine Caëtano (ventes France et export, L’Ecole des loisirs).- Photo OLIVIER DION

Inaugurés lors de ces 4es RNL, les "speed datings" entre des libraires et une dizaine de diffuseurs et de transporteurs ont séduit chaque partie, et constituent, de l’avis général, une expérience "à renouveler absolument".

Malgré des cafouillages et quelques rendez-vous manqués, chacun a apprécié les échanges individuels d’une vingtaine de minutes permettant d’évacuer des séances plénières et des ateliers des demandes très spécifiques.

Les libraires, en majorité de second niveau, y ont, à l’instar de Corinne Caupène (Librairie de Corinne, Soulac), apprécié d’avoir trouvé "un interlocuteur à qui parler" et "une oreille attentive et compréhensive face à des problèmes particuliers. Si les promesses sont tenues, ce sera magique", lance la libraire, qui juge le cadre des RNL plus propice à ce genre d’échanges que Livre Paris.

Pour les diffuseurs, qui ont pour certains rencontré jusqu’à 35 libraires, l’exercice s’est révélé tout aussi fructueux. S’ils craignaient un "bureau des pleurs" et des rendez-vous très focalisés sur les remises, ils ont été ravis de recevoir des demandes "constructives et pragmatiques et d’échanger avec des libraires soucieux de faire comprendre la singularité et les contraintes propres à leur structure, d’être mieux informés et mieux accompagnés et de bénéficier de moyens optimisés pour faire pleinement leur métier", souligne Luis Gauthier, directeur des ventes des clients deuxième niveau chez Interforum. Seul regret, l’absence de la distribution, qui a également fait l’objet de nombreuses sollicitations. C. Ch.

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