avant-portrait

Dans la famille Lapierre, des catholiques fervents mais progressistes, l’usage voulait que l’on donnât à l’un des garçons le prénom du pape régnant. C’est ainsi que notre ami, né en 1937, écopa de celui de Pie XI, agrémenté d’un Jean adoucissant. Plus tard, lui-même rompra avec cette tradition, ses deux fils, "non baptisés", précise-t-il, s’appelant Jean-Baptiste et Irénée.

A l’issue de ses études à Lille puis à Aix, au cours desquelles il a notamment suivi les cours d’esthétique de Jean Grenier, Jean-Pie Lapierre aurait pu devenir prêtre. Il a préféré "fricoter du côté de Lanza del Vasto et de Pierre Vidal-Naquet". Pacifisme et "gauche morale". Le temps du service militaire venu, et le statut d’objecteur de conscience n’existant pas, il se retrouve, de 1961 à 1964, sapeur-pompier de Paris, sous les ordres du capitaine Jean Husson. Dans le civil, un écrivain - bien oublié aujourd’hui - récompensé par le grand prix de l’Académie française pour un roman publié au Seuil. C’est là qu’en 1966 il pistonne son ancien subordonné, lequel avait entre-temps fait ses classes éditoriales au "Guide vert" de Michelin.

Lapierre va donc accomplir toute sa carrière au Seuil, dont l’esprit "catho de gauche" lui convient bien. Il s’occupe d’abord de la France pour les "Guides Seuil", puis, en 1973, prend la responsabilité du secteur religieux, "dans une perspective de réflexion, ni de liturgie ni de pastorale", tout en assistant Michel Winock du côté de l’histoire. Pas rebuté par les grands projets, il dirige l’édition des Œuvres complètes de Teilhard de Chardin, ainsi que la série Histoire de la France religieuse. Son collègue François Wahl, prophétique, lui dit : "Tu as la libido du gros".

Un dictionnaire accessible

Juste avant qu’il ne prenne sa retraite, en 1999, Claude Cherki, alors P-DG du Seuil, lui lance : "J’espère que vous allez écrire quelque chose." Lapierre accepte et bâtit son Musée chrétien, lequel, d’ouvrage pratique non illustré, devient une espèce de "monstre" : "un "musée imaginaire" au sens de Malraux, qui donne les clefs des christianismes, occidental et oriental, à un lectorat de plus en plus déculturé, sans aucune militance ni jugement esthétique, à travers les images religieuses de tous les temps et de tous les pays". Résultat : 2 700 pages en trois volumes sous coffret non sécable, 1 400 illustrations, gravures et dessins. "Ce n’est pas un livre d’art, explique l’auteur, aidé par le photographe Pierre Donaint et son éditrice, Anne Sastourné, mais un dictionnaire." Un monument accessible et non universitaire, où l’on prend plaisir à se promener, tout en apprenant une foule de choses. Notamment sur les innombrables saints du martyrologe.

Jean-Pie Lapierre se dit "soulagé" d’avoir achevé ce "premier vrai livre, qui sera aussi le seul". En revanche, il n’a cessé, depuis, de recenser des oublis, qui pourraient faire l’objet d’un supplément !  Jean-Claude Perrier

 

Jean-Pie Lapierre, Le musée chrétien, Seuil. Prix : 149 s, 3 vol. sous coffret, 2 700 p. ISBN : 978-2-02-112396-8. Sortie : 23 octobre.

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