C'est le 11 novembre 1918 que Maria Van Rysselberghe, alias la Petite Dame, commença la rédaction de ses Cahiers, sous-titrés Notes pour l'histoire authentique d'André Gide. Un chantier littéraire qu'elle poursuivit jusqu'à la mort de son ami, le 19 février 1951, et qui donna lieu à la publication de quatre volumes, à partir de 1973, dans les "Cahiers André Gide" (Gallimard), repris plus tard dans "Les Cahiers de la NRF ». Proche de l'écrivain, Maria Van Rysselberghe était la mère d'Elisabeth, avec qui Gide eut une fille - illégitime -, Catherine, née en 1923. Les Van Rysselberghe étaient le noyau de la famille d'élection que Gide avait recomposée autour de lui, avec Marc Allégret, Pierre Herbart, Roger Martin du Gard et quelques autres.
Un jour de 1925, dans un taxi, elle perd toutes les lettres reçues de Gide depuis 1921, et le Cahier en cours. Accablée, elle entreprend de le reconstituer, tout en poursuivant la rédaction de ses pages sur le présent. Mieux, elle a aussi l'idée de rédiger ses notes sur des épisodes ayant précédé 1918. Le voyage en Allemagne en 1903 (écrit en 1931), celui qu'ils firent en famille en Italie en 1908 (écrit en 1939), ou encore ses souvenirs des années de guerre 1914-1916, quand Gide et Marie travaillaient au Foyer franco-belge, destiné à venir en aide aux réfugiés, et que tout le monde campait chez les Van Rysselberghe, au "Laugier", près d'Auteuil. On y voit le dévouement de Gide, infatigable, sa gentillesse et sa fantaisie. Au passage, la Petite Dame, excellente portraitiste, croque quelques protagonistes de l'histoire : Charles Du Bos ou Henri Ghéon, amis de jeunesse de Gide, ou encore sa femme, Madeleine. Une femme "attachante", dont le rôle, jusqu'à sa mort en 1937, auprès de son époux "ondoyant et divers", fut à la fois fondamental et en marge du "noyau central". On ignorera toujours si elle sut l'existence de Catherine.
Ce Cahier III bis, chaînon manquant dans les Cahiers de la Petite Dame, passionnant en lui-même, constitue une invitation à relire tout le corpus. On peut aussi commencer par l'anthologie Je ne sais pas si nous avons dit d'impérissables choses, réalisée par Peter Schnyder (Folio, 2006).