Depuis janvier 2009,
Le journal de Montréal, le plus important quotidien du Québec, appartenant au groupe Québecor, subit une grève de 253 de ses employés. Un « lock out » (en québécois) qui a conduit à créer un journal rival,
Rue Frontenac, et qui continue à faire des vagues.
Dernier épisode en date, l'Union des écrivaines et des écrivains du Québec, qui a formalisé son soutien aux grévistes lors de son assemblée annuelle, le 4 décembre : «
les membres de l'UNEQ ont adopté, à l'unanimité, une résolution d'appui au combat des « lock-outés » du Journal de Montréal pour l'obtention d'une convention de travail juste et équitable. Cela signifie, concrètement, que les écrivains membres de l'UNEQ s'engagent sur l'honneur à ne pas acheter ou recevoir gratuitement ce journal, ainsi qu'à ne pas y acheter de publicité.» La nouvelle présidente, Danièle Simpson, qui succède à Stanley Péan après six ans de mandat, apporte ainsi son approbation au geste symbolique et engagé de l'écrivain Gil Courtemanche. Celui-ci a décidé de se retirer de la liste des Grands prix littéraires Archambault, où il était en lice pour son roman
Je ne veux pas mourir seul (Boréal). Archambault, qui compte 15 librairies au Québec, est elle-même filiale du groupe Quebecor Media. Depuis Jean-Simon DesRochers (
La canicule des pauvres, Les herbes rouges), qui avait critiqué la méthode de son confrère, a déclaré que s'il remportait le prix, il verserait l'intégralité des 10 000 $ reçus aux employés en grève. S'il appuie Courtemanche, il aurait préféré une action plus collective.
Les médias modifient la trajectoire des écrivains
Courtemanche a obtenu que le débat sur les «
façons de faire de Quebecor » soit ainsi relancé. «
Si ce n'est pas le combat des écrivains d'appuyer 250 personnes en lock-out, il n'y a aucun combat pour les écrivains. Moi, ce que je dis, c'est que je ne veux pas être associé à une entreprise qui garde 250 êtres humains dans la rue depuis deux ans. C'est d'une simplicité morbide » déclare-t-il au quotidien
La Presse. «
Jouer contre Quebecor, c'est prendre un risque et je comprends que des fois, on ne le fasse pas.»
L'auteur refuse toute entrevue avec les médias reliés à Quebecor, en espérant ne pas être le seul à avoir ce courage. Pierre Szalowski, lauréat 2009 du Grand Prix de la relève pour Le froid modifie la trajectoire des poissons, paru chez Héloïse d'Ormesson en France, est en désaccord. « Je trouve que c'est malgré tout un geste contre les auteurs, qui sont pris en otage. On ne peut pas demander aux plus pauvres d'être solidaires dans une guerre entre plus riches.»
Sur le site des Grands Prix littéraires Archambault, le livre de Courtemanche est toujours présent.
Une turbulence qui s'ajoute à d'autres
L'UNEQ a d'autres chantiers en cours. Danièle Simpson en a rappelé les grandes lignes au cours de l'Assemblée annuelle. « Il faut mettre sur pied des services qui nous donneront un plus grand pouvoir de négociation et une meilleure diffusion de nos oeuvres. Ces services devront éventuellement devenir financièrement indépendants de l'UNEQ, comme le sont devenus COPIBEC et le Festival international de la littérature (FIL). L'UNEQ doit aussi multiplier les ateliers de formation, investir le numérique, en aidant les auteurs à créer leur propre site web et à découvrir les immenses possibilités de création qu'offrent les nouvelles technologies.»
Par ailleurs, le projet de réforme de la Loi sur le droit d'auteur suscite de vives craintes au sein de l'association (voir actualité du 24 novembre), qui commence à esquisser ses propositions, dont une plateforme de diffusion des oeuvres.