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La mort de Marcel Reich-Ranicki

Marcel Reich-Ranicki. - Photo DR

La mort de Marcel Reich-Ranicki

Avec sa culture phénoménale, son intransigeance et ses provocations, le critique Marcel Reich-Ranicki était une figure majeure de la littérature allemande.

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Par Annie Favier
Créé le 19.09.2013 à 17h08 ,
Mis à jour le 23.01.2014 à 14h00

Celui qu'on appelait en Allemagne "le pape des lettres" s'est éteint à Francfort, le 18 septembre, à l'âge de 93 ans. Marcel Reich-Ranicki était né en Pologne le 2 juin 1920. 

C'est à Berlin, où il passe son adolescence, que nait sa curiosité et son goût insatiable pour les livres et la littérature, mais il ne pourra intégrer l'université, parce qu'il est juif. De retour en Pologne, il vit dans l'enfer du ghetto de Varsovie, avant de s'enfuir avec sa femme, échappant ainsi à la déportation. Il revient en Allemagne en 1958 mais, toute sa vie, il sera déchiré entre son amour intense pour la culture allemande et sa haine de la barbarie que le pays a engendrée.

Il devient critique littéraire dans l'hebdomadaire Die Zeit entre 1960 et 1973. Si le FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) a été le premier, via twitter, à annoncer la mort de Marcel Reich Ranicki, ce n'est pas un hasard : entre 1973 et 1998, le critique littéraire a tenu haut la main les pages livres de ce grand quotidien conservateur. Le critique a pu y laisser libre court à son tempérament passionné et tonitruant, devenant suffisamment influent pour faire trembler aussi bien les écrivains que les éditeurs, certains l'accusant de conservatisme et d'intransigeance, d'autres allant jusqu'à lui vouer une véritable haine. Le grand écrivain Martin Walser n'hésite pas à publier, en 2002, Tod eines Kritikers (Mort d'un critique), un essai émaillé de touches antisémites, ce qui suscitera une véritable polémique en Allemagne. 

Marcel Reich-Ranicki a également connu une belle carrière à la télévision en animant l'émission littéraire « Das literarische Quartett » sur la chaîne publique ZDF, entre 1988 et 1998. Sa notoriété télévisuelle, comparable à celle de Bernard Pivot en France au beau temps d'Apostrophes, n'a jamais été égalée depuis. 

La passion du livre et de la littérature, mais aussi les provocations ont jalonné le parcours de cette personnalité hors normes. En 1995, l'hebdomadaire Der Spiegel publie sur sa couverture une photo de Marcel Reich-Ranicki déchirant le livre de Günter Grass, Toute une  histoire, dénonçant ainsi la prise de position de l'écrivain qui nie les effets bénéfiques pour l'Est du pays de la réunification des deux Allemagne.

Ce brillant autodidacte a reçu plusieurs titres universitaires honorifiques et a été chargé de cours, ce qui a pu compenser tardivement son absence d'études supérieures. Critique, il était aussi l'auteur de plusieurs livres, dont un essai, Thomas Mann und die Seinen et une anthologie de la poésie allemande. En 2001, Grasset a traduit son autobiographie sous le titre Ma vie, qui était parue en 1999 en Allemagne.

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