De la confluence avec le Rhône dans la Drôme, aux sources, au-dessus de Val-d’Isère dans le massif de la Vanoise, à près de 3 000 mètres d’altitude, Antoine Choplin a remonté l’Isère à pied au plus près de son lit. Le récit accueilli dans la précieuse collection "Démarches" déroule les quatre saisons d’une balade, en tout une quinzaine de jours de marche, entamée un 1er août.
L’écrivain a posé sa vie depuis plus de vingt-cinq ans, entre Grenoble et Chambéry, dans la vallée du Grésivaudan entre les massifs de Belledonne et de la Chartreuse. Là, il a fondé en 1992 l’association Scènes obliques, et le Festival de l’arpenteur, un rendez-vous pour aérer l’art et la culture.
A contre-courant est "une invitation à feuilleter autrement le livre de [ses] paysages". Le marcheur ressemble à l’écrivain. L’auteur de La nuit tombée (La Fosse aux ours, 2012) et de Cour nord (Rouergue, 2010, repris chez Points) se demande comment "écrire sans apprêt, sans trucage sur la vérité de cette escapade sans grandes saillies ?". Car l’aventure n’a rien de bien spectaculaire sur une bonne partie du parcours. Elle ne requiert aucune performance, aucun esprit de conquête. Il s’agit le plus souvent de suivre des chemins de halage entretenus, doublant des pistes cyclables et, à l’occasion, d’ouvrir les traces perdues de sentiers repris par la végétation. Et d’être aussi souvent contraint à "quelques contorsions d’itinéraires", obligé d’emprunter des tronçons de routes goudronnées et passantes, un tunnel pour les voitures, de contourner des centrales hydroélectriques installées sur le cours de la rivière. Remonter l’Isère avec Antoine Choplin, c’est traverser des bourgs déserts, faire étape dans des pensions, des chambres chez l’habitant où il est souvent le seul client, faire quelques rencontres, rares…
Des poètes l’accompagnent, un pour chaque saison : Henri Michaux, Francis Ponge, Hölderlin, Philippe Jaccottet. Cet "effleurement programmé de mes espaces familiers" réveille les souvenirs d’autres marches, d’autres épopées minimales, autant qu’il révèle des angles de vue inédits. Parvenu aux sources, "[l]a gorge se serre un peu, le regard se brouille, par l’effet de la joie simple et profonde des accomplissements, aussi modestes soient-ils".
Véronique Rossignol