L’homme est le seul véritable adversaire des arbres, le seul prédateur de la nature. A cause de lui, les forêts tropicales primaires ont quasiment disparu, surtout en Asie du Sud-Est. Exploiter une forêt tropicale, c’est répugnant, c’est comme un viol !" Francis Hallé, biologiste, botaniste, tropicaliste, n’a pas pour habitude de mâcher ses mots. Et l’âge (il n’est pas loin de ses 80 printemps) n’a pas émoussé ses convictions, tout au contraire : "La COP 21, puis la COP 22, ça me fait rire, dit-il. Jaune, bien sûr. On m’y a invité, j’ai refusé." Quant à son énergie, elle est impressionnante. Régulièrement, en montgolfière, il survole les canopées, son territoire de prédilection, à plus de 60 mètres du sol, à la recherche de quelque plante remarquable à étudier, connue ou non. Et même si son nouveau livre est un Atlas de botanique poétique, ouvrage d’érudition aimable, pas question de mettre de côté ses convictions, son combat, celui de toute une vie au service de la nature, de ses chers arbres surtout, à qui il a déjà consacré plusieurs ouvrages : notamment Plaidoyer pour l’arbre, Du bon usage des arbres et Plaidoyer pour la forêt tropicale, parus chez Actes Sud en 2005, 2011 et 2014.
Ce tropisme tropical, il l’a éprouvé enfant : fils d’un père agronome, dernier de sept frères - six agronomes -, comment résister à cet appel du large ? "Lorsque mes aînés revenaient à la maison, ils rapportaient des échantillons et des histoires qui me faisaient rêver. Partir m’a semblé normal." Et de préférence là où la nature est "le plus du plus du plus" : sous les tropiques. Il a vécu en Côte d’Ivoire, au Congo, au Zaïre, en Indonésie, en Guyane, avant de venir se fixer à Montpellier, où il a enseigné la botanique à l’université jusqu’en 1999, formé des générations de tropicalistes, et cultivé son propre jardin, extraordinaire, bien sûr. On y trouve un philodendron de Guyane ou un taro du Laos, dont il n’est pas peu fier. "Dans la vie, il y a tellement de gens qui s’emmerdent, dit Francis Hallé, malicieux. Je n’ai jamais regretté une seconde d’être botaniste. Sinon j’aurais été historien, anthropologue, ou peintre."
Glycine géante
D’ailleurs, il peint et dessine, illustrant lui-même ses livres, comme cet Atlas, réalisé avec la collaboration d’Eliane Patriarca, ancienne journaliste écologie à Libération. "J’ai environ 10 000 dessins, explique l’auteur. Il a fallu sélectionner, pour que les sujets soient nouveaux, amusants, poétiques." Avec pas mal de plantes incroyables, comme cette glycine géante qui est entrée dans le Guinness des records, ou cette Boquila trifoliolata, une liane caméléon qu’il n’a encore jamais vue de ses yeux. Il en rêve, comme de partir pour Perth, en Australie, ou en Birmanie : "Le pays vient de s’ouvrir." Après toutes ces années, Francis Hallé ne sait toujours pas "ce qu’est un arbre", mais il sait qu’il faut les défendre. Pour lui, c’est "une priorité". Jean-Claude Perrier
Francis Hallé, Atlas de botanique poétique, Arthaud. Prix : 26 euros, 144 p. Sortie : 12 octobre. ISBN : 978-2-08-137300-6