L'air sent bon les soirs d'été. En voiture avec sa mère, toutes vitres ouvertes, la jeune Abi rêve à son avenir. Elle a la vie devant elle et des champs de fleurs à perte de vue. Soudain, un grand choc, un fracas de tôles froissées, et puis plus rien. Le néant, le noir. De cet accident, Abi sortira avec un bras en moins. En face, la « conne au téléphone » n'avait pas vu le stop.

Après de longs mois d'hospitalisation et de rééducation, il faut réapprendre à vivre. Le quotidien se mue en parcours du combattant. Le moindre geste prend des plombes. Mais ce n'est pas le pire. Le regard des autres est une autre paire de manches, si on peut dire. Dans sa famille, on a décidé d'appeler un chat un chat, et le nouveau bras un « bras de Vador ». Mais les amis, les étrangers, eux, sont mal à l'aise face au handicap. Abi inspire tantôt rejet ou dégoût, tantôt pitié ou peur. La plupart de ses ex-potes font silence radio et peu à peu son carnet d'adresses se vide poliment. Vers qui, vers quoi se tourner ? Même l'école vétérinaire qu'elle devait intégrer ne la fait plus rêver. Quant à sa petite sœur Millie, insouciante et jolie, elle se met à la détester. Un jour arrive un colis anonyme. A l'intérieur, un livre de Blaise Cendrars qui, comme Abi, a eu le bras coupé. « Merde, je ne veux pas vivre », écrit Blaise. « Merde moi non plus parfois. Et pourtant », écrit-elle dans son journal. Et pourtant, en effet... La jeune fille va bel et bien retrouver goût à la vie, malgré les humiliations. Grâce à la pluie, aux oiseaux, à l'amitié et aussi à l'humour.  Fabienne Jacob