Prix littéraire

La machine Goncourt

Lors du prix Goncourt 2014. - Photo Olivier Dion

La machine Goncourt

A la veille de la première sélection du grand prix, le 3 septembre, les académiciens Goncourt ont repensé leurs multiples activités. Outre leurs déjeuners mensuels et l'attribution de divers prix, ils gèrent leur patrimoine immobilier et étendent leur influence en implantant leur marque à l'étranger et en professionnalisant leur communication.

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Par Isabel Contreras,
Créé le 30.08.2019 à 12h52

Dans l'histoire du Goncourt, on se souviendra de moi comme du président de l'immobilier ! » s'exclame, facétieux, Bernard Pivot, rencontré un après-midi caniculaire du mois de juin, à Paris. Depuis 2014 à la tête du jury de la plus prestigieuse des récompenses littéraires françaises, il a supervisé en ce début d'été les travaux de rénovation en cours chez Drouant. Il a établi un inventaire des biens laissés par les frères Goncourt dans le salon du -premier étage, lieu où le prix sera proclamé le 4 novembre cette année. Courant juin -encore, il a repris sa casquette de chef de chantier pour valider, avec ses -camarades, les plans d'aménagement du grenier de la villa Goncourt, à Paris.

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Association d'utilité publique

« Les travaux démarreront à la rentrée et s'étendront sur deux ou trois mois. Nous aurons enfin une adresse officielle, un siège où Françoise Rossinot, notre déléguée générale, pourra poser sa documentation. Les membres de l'académie auront à leur disposition un pied-à-terre », explique Bernard Pivot. Une bonne nouvelle pour Philippe Claudel, Paule Constant, -Didier Decoin et Eric-Emmanuel Schmitt qui n'ont pas d'adresse parisienne.

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Premier lieu de réunion de la société littéraire créée par Jules et Edmond de Goncourt, cette surface d'une centaine de mètres carrés située au 53, boulevard de Montmorency (Paris 16e) appartient aujourd'hui à la Mairie de Paris. Les contrats d'occupation signés avec la Maison des écrivains et l'académie Goncourt ont été renouvelés en juillet.

« Nous finançons le coût des travaux », souligne le président de l'académie Goncourt. Association 1901 à but non lucratif, déclarée en 1903 « d'utilité publique » par Emile Loubet, alors président de la République, la société littéraire a reçu des legs durant son histoire, les derniers en date étant ceux d'Edmonde Charles-Roux et Robert Sabatier. Si le président du jury ne s'étend pas sur la valeur du patrimoine, il précise le financement annuel de l'association : une subvention du Centre national du livre, une aide apportée par la Mairie de Paris et une somme versée par la Fnac, en échange de l'utilisation de la marque Goncourt dans le cadre de l'organisation, par l'enseigne, du Goncourt des Lycéens. « Grâce à cette somme, la plus importante, nous couvrons nos frais ainsi que le salaire de Françoise Rossinot », explique encore Bernard Pivot, refusant pour autant de dévoiler le montant. Hormis le fameux chèque de 10 euros offert au lauréat du Goncourt, les prix de la Biographie Edmonde-Charles-Roux, de la Nouvelle, du Premier roman et de la Poésie Robert-Sabatier sont dotés de 3 800 euros minimum chacun. « Ce sont notamment les subventions qui nous permettent de doter les prix », précise encore le président.

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Initiatives

En ce qui concerne le patrimoine immobilier, outre le grenier, les Goncourt possèdent un spacieux appartement à Aix-en-Provence, légué par une amie de Paule Constant, Régine Bezasse. Décédée en 2016, elle a offert à l'académie ce bien idéalement situé cours Mirabeau, au dernier étage d'un hôtel particulier classé. « Il est non seulement à la disposition des membres de l'académie mais aussi des lauréats du Goncourt. Tout le monde peut faire sa demande, il suffit de s'arranger pour les dates. Notamment avec Pierre Assouline qui est un fervent locataire ! » glisse Bernard Pivot. D'autres biens à déclarer ? « Non », répond, laconique, le 12e président de l'histoire du Goncourt : « Nous sommes pauvres, en comparaison avec l'Académie française ! » « Pauvres », ils s'efforcent toutefois d'étendre leur influence. Si l'acmé des jurés reste le prix remis en novembre, dont la première sélection sera divulguée le 3 septembre, ils multiplient les initiatives tout au long de l'année. A l'ordre du jour de leur réunion mensuelle, un déjeuner offert par Drouant tous les premiers mardis du mois, les dix membres discutent livres, certes, mais aussi déplacements à l'étranger à l'occasion des « choix Goncourt ».

Pas moins de 17 pays attribuent leur récompense littéraire parmi les livres de la première sélection annoncée par le jury lors de la rentrée littéraire. A partir de septembre, le Royaume-Uni, l'Autriche et la République tchèque intégreront « les choix Goncourt ». A l'automne, ce sera au tour du Maroc et de la Grèce.

La Pologne a impulsé en 1998 cette initiative en couronnant Pierre Assouline pour La cliente (Gallimard). « Le mérite du Goncourt polonais revient au directeur de l'Institut français de Cracovie de l'époque qui a su surmonter les réticences initiales de l'académie Goncourt, confie Frédéric de Touchet, consul général de France à Cracovie. L'idée de base était de dépoussiérer les études de français en permettant aux étudiants polonais d'avoir accès à la création littéraire française et francophone contemporaine. Ce pari a marché au-delà de toute espérance en Pologne, où il a d'emblée suscité l'intérêt des plus grands écrivains polonais, dont les prix Nobel Milosz et Szymborska ou Slawomir Mrozek, qui ont présidé le jury. » La traduction du lauréat est encouragée par ce type d'initiative. Le Goncourt polonais est systématiquement traduit, tout comme le Goncourt brésilien.

Déplacements

Les académiciens essaient, « dans la mesure du possible », d'assister aux cérémonies de remise des « choix Goncourt ». Tahar Ben Jelloun s'est déjà rendu à Beyrouth pour le choix d'Orient, Pierre Assouline tente de ne pas rater la remise annuelle à Madrid et s'est déplacé en novembre 2018 en Chine, Virginie Despentes a assisté en janvier aux délibérations du jeune jury à Tunis.

Ces déplacements s'insèrent dans un agenda déjà chargé, marqué par l'attribution des quatre prix du printemps. « Etre membre du Goncourt est un travail à mi-temps », lance Pierre Assouline, rencontré en mai lors du Printemps proustien. L'auteur de l'Autodictionnaire Proust (Omnibus) a participé avec Tahar Ben Jelloun, Françoise Chandernagor, Paule Constant, Didier Decoin et Bernard Pivot à ce festival littéraire organisé en Eure-et-Loire autour du centenaire du prix Goncourt décerné à Marcel Proust pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs.

Tous les membres de l'académie se déplaceront à nouveau le 27 octobre à Cabourg pour annoncer la troisième sélection du prix Goncourt. « Personnellement, je suis englouti par la vie de l'académie Goncourt, c'est pourquoi j'ai du mal à faire un pas de côté pour juger ce qu'on fait. Même si, en réalité, nous sommes dans la continuité de nos prédécesseurs. Le Goncourt des Lycéens a été initié par Hervé Bazin », explique Bernard Pivot.

Hashtag Goncourt

Le Goncourt a viré 2.0, et sa présence sur les réseaux sociaux accentue sa visibilité. Depuis la nomination en 2018 de Françoise Rossinot, l'académie possède un nouveau site qui est régulièrement mis à jour, mais aussi des comptes Facebook, Twitter et Instagram où hashtags et photos valorisent leurs multiples actions. Une lecture des textes du Goncourt de la Poésie 2019, Yvon Le Men, par Tahar Ben Jelloun et Virginie Despentes à la Maison de la poésie, la cérémonie de remise du prix Dialogo en Espagne en présence de Bernard Pivot et de Pierre Assouline...

Avec autant d'activités, les Goncourt se sont-il posé la question d'une rémunération ? « Je me souviens d'un jour, nous étions à table, et Michel Tournier nous a dit : "Ecoutez mes chers amis, j'ai une proposition à vous faire. Il se trouve que nous enrichissons les éditeurs, nous enrichissons les auteurs alors que nous n'avons rien. Pourtant, nous passons l'été à lire bénévolement. Je propose de demander à l'éditeur dont l'auteur remportera le Goncourt de nous verser 10 % des bénéfices sur les ventes !" Je me souviens qu'on avait beaucoup ri... Mais je ne peux pas vous dire aujourd'hui s'il était sérieux ou s'il s'agissait d'une plaisanterie. D'un côté, il avait l'air sérieux, de l'autre, nous nous méfiions toujours de Tournier ! La rémunération viendrait détruire le prix, la réponse c'est logiquement non. » Il fut pourtant un temps où les Goncourt étaient rémunérés grâce aux biens vendus aux enchères d'Edmond de Goncourt, mort en 1896. 

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