C'est une oeuvre monumentale, au long cours, dont on a déjà pu traverser deux volumes. Après avoir publié son journal de 1980 à 1990 et celui de 1991 à 2000, Verdier propose aujourd'hui neuf années de la vie de Pierre Bergounioux, saisi ici de 2001 à 2010.
L'auteur de La ligne (Verdier, 1997) se lève tôt. Il écrit des "demi-pages", lit (Michelet, Jack Goody, Lobo Antunes, Jim Harrison ou Isaac Bashevis Singer - "un homme selon mon coeur"), tente des "expériences graphiques" avec divers matériaux. Le voilà qui invite à déjeuner le photographe Jean-Michel Fauquet et le critique Dominique Charnay, ou Jacques Réda et Jacques Borel, lequel reçoit en soirée des appels téléphoniques de Pierre Michon, part faire les courses au supermarché, où il lui arrive de croiser Michel Tournier.
L'écrivain enseigne toujours au collège bien qu'il lui en coûte de plus en plus. Il sollicite et obtient une bourse du CNL. Sent le poids de l'âge, a l'impression de s'étioler, lance : "Je vais mal vieillir si je vieillis.""Mam", sa mère, décline en Corrèze. Cathy, sa femme, qui prend sa vie en main depuis l'adolescence, travaille dans un laboratoire. Leurs enfants sont grands, loin du nid. Bergounioux toupine sans cesse. Il rencontre des journalistes, se rend dans des librairies, planche sur Faulkner, découvert à 15 ans, ou s'attelle à un livre à quatre mains avec son frère Gaby, linguiste et romancier.
Les projets ne manquent pas, chez Flohic, Bréal ou Fata Morgana. Apprenant la disparition de Pierre Bourdieu, il éprouve un "douloureux chagrin". A Cuba, l'éditrice Marion Mazauric lui enjoint d'arrêter de fumer "parce qu'il ne faut pas que je meure". Jean-Luc Godard lui envoie le scénario d'un film en cours et souhaite le rencontrer afin de parler de Faulkner et d'Homère. J.-B. Pontalis lui rappelle son père. Avec Jean-Yves Tadié, il mange "des choses curieuses" dans un restaurant de la rue Monsieur-le-Prince... Le lecteur, lui, l'accompagne pas à pas. Et salue sa discrétion, son questionnement, son opiniâtreté.