Le français va très bien, merci est le titre d’un manifeste de 64 pages signé par 18 linguistes et publié aux éditions Gallimard dans la collection « Tracts » et dont la sortie jeudi 25 mai a fait réagir la communauté intellectuelle francophone.
Le collectif signataire se faisant appeler « les linguistes atterrées » prend pour cible des « idées fausses sur la langue française », selon lesquelles par exemple « les francophones écrivent de plus en plus mal ».
L’avenir de l’orthographe dans le correcteur automatique
« Il faut en finir avec le mythe d'un âge d'or de l'orthographe. Les écrivains du XIXe siècle ne la connaissaient pas. Ils remettaient leurs textes à des spécialistes, des professionnels, qui étaient les imprimeurs et les éditeurs », explique par exemple Anne Abeillé, une des signataires.
« Il faut se féliciter du nombre croissant de francophones dans le monde », a commenté une autre signataire, Julie Neveux, sur France Inter vendredi 26 mai. Au centre de leur thèse : plus on écrit, même avec des fautes, mieux on fait vivre la langue « qui évolue ». Aujourd'hui, « l'orthographe est restée figée à 1835. Il y a donc un décalage de plus en plus grand », insiste Anne Abeillé. Pour ces linguistes, l'urgence serait plutôt d'apprendre aux élèves à utiliser un correcteur, étant donné qu'ils écriront toute leur vie avec un clavier.
La langue de Molière n’est pas le français d’aujourd’hui ni d’hier
L’intervention des deux spécialistes a fait réagir de nombreux auditeurs de la radio publique, certains estimant au contraire d’elles que les anglicismes de plus en plus présents dans le vocabulaire français éteignaient à petit feu « la langue de Molière ». « Cette expression est absurde car Molière écrivait dans un français très éloigné de celui d’aujourd’hui comme celui d’hier », rétorque Julie Neveux.
Infantilisation et « mauvaise foi »
« Si Molière est devenu un symbole, c’est peut-être parce qu’il nous rassemble et continue de nous enrichir », affirment « avec modestie » une vingtaine d’autres linguistes, comme Pascal-Raphaël Ambrogi, François Antoine ou les académiciens Frédéric Vitoux et Michel Zink dans une tribune dans Le Figaro. « Les scientifiques devraient observer, analyser sans exclure et rendre compte de tous les points de vue », exhortent-ils en dénonçant une infantilisation teintée d’une « grande mauvaise foi » pour évoquer l’immobilisme de l’Académie française sur la question de l'évolution de la langue française. Le débat reste ouvert.