3 mars > Entretiens France

Ecrivain prolifique, cinéaste, dramaturge, Marguerite Duras (1914-1996) est devenue l’une des vaches sacrées de la littérature française contemporaine, entre autres grâce à son utilisation des médias. On se souvient de ses articles tonitruants dans Libération sur l’affaire Villemin ou répondant à d’innombrables interviews. Alors qu’on commémore le vingtième anniversaire de sa mort, l’universitaire Sophie Bogaert, qui a participé à l’édition de ses Œuvres complètes dans la "Bibliothèque de la Pléiade", a composé une anthologie des entretiens de Duras, jamais réunis en volume.

Le recueil court de 1962, Duras parlant de Moderato cantabile et de son enfance indochinoise sur la "chaîne nationale" de l’époque, jusqu’en 1991 où, filmée dans sa maison de Neauphle-le-Château, elle évoque pour Bernard Rapp son dernier livre en date, L’amant de la Chine du Nord. La boucle était ainsi bouclée, l’écrivain, qui se définissait comme "créole", ayant consacré toute son œuvre à exorciser les fantômes de son passé.

Il y avait chez Duras un art de la pose et une propension à instrumentaliser les médias. Elle avait fini par se créer une langue orale rien qu’à elle, tournant parfois à la caricature. Ainsi que le rappelle l’anthologiste, l’humoriste Pierre Desproges disait d’elle : "Duras n’a pas dit que des conneries, elle en a aussi filmé." Mais ces "conneries" font aussi partie d’une œuvre où tout fait œuvre, les sommets comme les petites choses. On savourera le long "Apostrophes" que Duras avait accordé à Bernard Pivot en septembre 1984, alors que son dernier roman, L’amant, remportait un succès inouï, avant même d’avoir reçu le Goncourt. Elle y lance quelques phrases définitives : "C’est que des fictions, mes trucs, mes livres, si !" Un régal. J.-C. P.

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