28 octobre > BD Etats-Unis

On a découvert Gene Luen Yang en 2007 avec American born Chinese (Dargaud). Le jeune Américain d’origine chinoise y retraçait avec humour son intégration difficile dans une école blanche de San Francisco. Il revient huit ans plus tard avec une œuvre infiniment plus ambitieuse : le récit, en Chine, de la fameuse révolte des Boxeurs (1899-1901). Ce mouvement populaire conservateur fomenté par la société secrète des Poings de la justice et de la concorde, opposé aux colons étrangers comme à la dynastie mandchou des Qing, se fit manipuler par l’impératrice Cixi et massacrer par les armées de huit pays coloniaux, dont la France.

Gene Luen Yang opère ce retour aux origines avec deux forts volumes de 336 et de 176 pages, Boxeurs et Saints. Réunis sous coffret, ils racontent chacun d’un point de vue différent ces événements qui ont marqué un tournant dans la trajectoire de la Chine en ouvrant la voie à la modernisation de la société et à l’abolition du pouvoir impérial, survenu en 1912. Dans Boxeurs, c’est Bao qui parle. Ce jeune garçon est, dans son village du Nord-Shandong, le témoin des humiliations et des agressions infligées aux paysans chinois par les missionnaires chrétiens, leurs compatriotes qu’ils ont convertis, l’administration impériale et les armées étrangères. Il va peu à peu se radicaliser, jusqu’à prendre la tête d’une révolte qui le conduira jusqu’à Pékin.

Saints reprend l’histoire du point de vue de Vibiana. Cette fillette originaire de la même province que Bao, qui l’a d’ailleurs remarquée enfant, se trouve, elle, peu à peu christianisée, fût-ce par des voies toutes chinoises dans lesquelles interviennent esprits et démons. Quand Bao grandissait, le cerveau pétri des hauts faits des dieux représentés dans le théâtre chinois, Vibiana vibrait à l’évocation des exploits de Jeanne d’Arc. Tous deux vont se retrouver face à face à Pékin pour un échange dont on ne dévoilera pas l’issue.

Gene Luen Yang manifeste dans Boxeurs et Saints la même inventivité narrative et le même sens de la dérision que dans American born Chinese. Mais l’auteur de 42 ans les manie cette fois avec une aisance qu’il n’avait pas alors. Il combine avec dextérité ligne claire et influences manga, portant une attention particulière aux mouvements et à la représentation des sons. Et réussit une épopée dans laquelle la trame réaliste se trouve magnifiée par l’irruption du fantastique propre au mysticisme chinois. Fabrice Piault

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