On est heureux de la retrouver, Nathalie Kuperman, elle qui raconte dans le dernier numéro de la revue Décapage, où elle dévoile sa "Panoplie littéraire", qu’elle a pensé arrêter d’écrire des romans, après La loi sauvage (Gallimard, 2014). Vingt-cinq ans après Le contretemps (éditions du Griot), la romancière, également auteure pour la jeunesse, arrive chez Flammarion après avoir publié une dizaine de romans dont Nous étions des êtres vivants (2010) et Les raisons de mon crime (2012) chez Gallimard.
Je suis le genre de fille est l’autoportrait de Juliette, une femme au début de la cinquantaine qui vit seule avec, une semaine sur deux, sa fille de 14 ans. Elle a un travail ? On ne sait trop dans quoi, mais elle fréquente en tout cas des collègues qui racontent leur week-end le lundi matin devant la machine à café. Gravitent aussi, autour de son monde, un ex-mari, des amis et des relations mais elle n’a plus de parents. Elle avait 26 ans quand sa mère est morte, en 1989.
Elle se décrit donc, avec distance et drôlerie. Se voit "plutôt arrangeante", souvent trop. C’est une fille qui doute, évite les conflits, a l’esprit d’escalier. Elle ne se rebiffe qu’après coup, quand il n’y a plus personne pour donner la réplique, la nuit, "dans une version warrior de moi-même qui règle les problèmes à coup de "Mais t’es qui, toi !"", refaisant le match, imaginant des réparties saillantes, ou envoyant des SMS qu’elle regrette le matin venu. Pour illustrer son caractère velléitaire, elle prend des exemples, se moque de ses réflexes (tenir la porte), de ses rituels addictifs (errer au Monoprix, faire du repassage, consacrer la pause déjeuner à rêver sur les douches à l’italienne chez Villeroy & Boch), de ses joues qui rosissent de peur et d’excitation quand elle ose enfin dire non, après avoir tant de fois acquiescé.
On sourit souvent, mais une mélancolie s’installe qui s’intensifie. Chez Nathalie Kuperman, la gravité s’habille toujours léger parce qu’elle est le genre de fille qui ne veut pas vous accabler avec les gros sujets qui pourtant traversent ses fictions (licenciement, alcoolisme, manque d’une mère). Ici encore, l’amour frustré et la perte, le besoin de reconnaissance, le sentiment d’imposture pointent derrière la comédie. Un genre de fille touchante, mine de rien. V. R.