Y a-t-il un seul journal, un seul site Internet, une seule station de radio ou même une seule chaîne de télévision qui n’ait pas au moins mentionné la mort d’Henning Mankell ? Le Monde en a même fait un appel de une, et Libération toute sa une, se risquant à la contre-programmation le jour du spectaculaire dérapage des négociations sociales au Comité central d’entreprise d’Air France. Hors du Nobel de littérature, surtout lorsqu’il est français, et du Goncourt, il n’est pas si fréquent qu’un écrivain, suédois de surcroît, suscite une telle couverture de presse et une telle avalanche d’hommages sur les réseaux sociaux.

Ce n’est somme toute que justice pour ce grand écrivain dont vient de paraître au Seuil un livre testament, Sable mouvant, après une dizaine de romans, une pièce de théâtre, plusieurs livres pour la jeunesse et surtout une bonne quinzaine de romans policiers à forte charge politique et sociale. Ceux-ci ont propulsé le polar scandinave au-delà de ses frontières géographiques, ouvrant la voie à Stieg Larsson, Camilla Läckberg, Joe Nesbø ou encore Arnaldur Indridason. Humaniste engagé, notamment en Afrique, Henning Mankell, a finalement incarné une forme de mondialisation culturelle alternative dans le domaine du livre, en contribuant à faire émerger de nouveaux circuits de best-sellerisation, qui ne partent plus forcément des Etats-Unis pour circuler en sens unique.

Sa mort survient à la veille de la Foire du livre de Francfort, dont l’évolution témoigne elle-même d’une multipolarisation croissante au sein d’une édition plus internationalisée que jamais. Dans une manifestation dont le plan a été restructuré pour mieux intégrer l’édition anglophone au reste de l’édition mondiale, la gestion des échanges de droits passe par des voies plus diverses que par le passé. De nouveaux métiers émergent pour s’adapter à la démultiplication des sources et des supports de droits, imprimés, numériques ou audiovisuels. De nouveaux horizons pour l’édition.