Algérie

Kamel Daoud gagne son procès contre un imam salafiste

Kamel Daoud - Photo Actes Sud

Kamel Daoud gagne son procès contre un imam salafiste

Dans une décision judiciaire sans précédent, la justice algérienne a condamné mardi à six mois de prison, dont trois fermes, un imam salafiste qui avait demandé l'exécution de l'écrivain pour apostasie.

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Par Pierre Georges,
Créé le 09.03.2016 à 18h06

"C'est une décision courageuse", a déclaré l'écrivain et journaliste Kamel Daoud, d'après des proches qui se sont confiés à l'AFP, alors que la justice algérienne a condamné à six mois de prison, dont trois fermes, mardi 8 mars, un imam salafiste qui avait en 2014 demandé l'execution de l'écrivain pour apostasie. 

Kamel Daoud avait déposé plainte pour menaces de mort contre l'imam Abdelfatah Hamadache Ziraoui, qui avait appelé en décembre 2014, sur sa page Facebook, les autorités algériennes à le condamner à mort et à l'exécuter en public. Des réactions indignées s'étaient alors multipliées, en Algérie comme en France, après les propos du dirigeant salafiste algérien, qui accusait Kamel Daoud du crime d'apostasie, c’est-à-dire de renoncement public à sa religion. Cet appel intervenait après une prestation de l'auteur de Meursault contre-enquête (Actes Sud) dans l'émission de France 2 "On n'est pas couché", où il avait critiqué le rapport des musulmans à leur religion.
 
Son pourfendeur, Abdelfatah Hamadache Ziraoui, qui dirige le Front de l’éveil islamique salafiste (non reconnu officiellement) et milite notamment pour l'interdiction de l’alcool et du maillot de bain sur les plages, avait estimé que l’auteur "mène une guerre contre Allah, son prophète, le Coran et les valeurs sacrées de l’islam", un "crime" passible de la peine de mort aux yeux de certains islamistes.

Selon ses proches, Kamel Daoud estime que la décision du tribunal "devrait réjouir tous les défenseurs de la liberté d'expression" parce qu'elle "permet de baliser ce qui est possible et ne l'est pas en matière de débat idéologique".
 
"Sanction exemplaire"

La condamnation de l'imam est "sans précédent", a souligné pour sa part Me Khaled Bourayou, un avocat algérien ayant défendu de nombreux journalistes depuis vingt ans. Pour lui, elle "protège le droit à l'opinion et à la conscience, d'autant plus que l'écrivain est également journaliste".

Le Syndicat national des journalistes algérien s'est aussi réjoui d'une "excellente" décision, même s'il la souhaitait "plus sévère". Elle "aura une vertu pédagogique (...) de nature à mettre fin à l'impunité totale des prédicateurs qui appellent au meurtre", a déclaré à l'AFP son secrétaire général, Kamel Amarni. "Au moment des faits nous avions réclamé une sanction exemplaire contre ce terroriste – on ne peut pas l'appeler autrement – qui a appelé à l'assassinat d'un journaliste", a-t-il rappelé.

Polémique récente ?
 
Kamel Daoud se trouve par ailleurs au coeur d'une polémique des deux côtés de la Méditerranée pour avoir dénoncé, dans un article paru dans Le Monde le 5 février, le "rapport malade à la femme" dans le monde arabo-musulman. Dans cet article intitulé "Cologne, lieu de fantasmes", il revenait sur les agressions sexuelles de masse commises le 31 décembre en Allemagne, dont les auteurs présumés seraient des migrants. Alors qu'on l'accusait de véhiculer des clichés, Kamel Daoud a annoncé qu'il souhaitait "arrêter le journalisme".

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