À trois jours du coup de sifflet final des Jeux olympiques de Paris 2024, quel bilan économique pour les librairies ? Si certaines sont parvenues à bénéficier de la ferveur autour de l'événement, d'autres n’ont pas joui du même engouement, voire évoquent une quinzaine catastrophique.
« L’ambiance est folle, mais pour la librairie, c’est dramatique »
« L’ambiance est folle, tout le monde est joyeux et sympathique, mais pour la librairie, c’est dramatique », déplore Frédérique Aubier, gérante de la librairie Le Piéton de Paris, située rue de l'Hôtel de Ville (IVe arrondissement). L'enseigne a été « particulièrement sinistrée » entre le 16 et le 28 juillet, du fait des périmètres de sécurité établis. À cheval entre une zone rouge, qui interdit toute circulation motorisée, et une zone grise, à mobilité réduite, « la librairie s'est retrouvée coincée sur un bout de trottoir, entourée de barrières de plus de deux mètres », détaille sa propriétaire.
Une situation qui a drastiquement freiné l'affluence de la clientèle. « On pensait que ce serait difficile, mais si j’avais su, j’aurais pris des vacances. En dix jours, moins de dix personnes ont fréquenté la librairie. J'ai à peine atteint le quart de mon chiffre d'affaires de l'année dernière », regrette-t-elle. Du fait de la spécialisation du Piéton de Paris, l'actualité de la capitale, sa gérante avait pourtant fait le plein de titres et de cartes postales. Elle s'inquiète désormais de ne pouvoir régler son loyer et ses fournisseurs, malgré le gonflement des horaires d'ouverture et sa non-rémunération à titre personnel.
Baisse du chiffre d'affaires et de l'affluence
Même son de cloche pour Adrien Fron, gérant de la librairie Les Traversées, rue Mouffetard (Ve) qui accuse une baisse de 10% de son chiffre d'affaires et de 5% de la fréquentation « par rapport à juillet 2023 ». Pour le dirigeant de l'enseigne, cette baisse de la fréquentation s’explique, en partie, par le départ massif et précipité des Parisiens, mais aussi par l'indifférence des touristes étrangers, venus dans la capitale exclusivement pour suivre les Jeux. Des explications corroborées par le Syndicat de la librairie française, l’organisation professionnelle ayant indiqué à Livres Hebdo que, dès la semaine avant le coup d’envoi des JO, les librairies affichaient en moyenne -11% de chiffre d’affaires.
Certains sites touristiques, comme les musées, ne sont pas moins épargnés, a également observé Le Monde, dans une enquête paru le 8 août. Au sein de l'un d'entre eux, la librairie du musée du Quai Branly, proche du Champ de Mars et donc des épreuves de beach-volley. « Il y a un creux à cette période, comme chaque année, mais le chiffre d’affaires cet été ne sera pas à la hauteur des autres années », regrette ainsi une de ses vendeuses, Maelys Strub.
« La librairie n’est pas le premier commerce vers lequel se ruent les gens venus voir les JO »
À la Villette, qui accueille le Club de France, rendez-vous majeur des supporters de notre équipe nationale, la librairie du Parc-Actes Sud a même été délogée, documente le site Actu.fr. Plutôt que son confortable local de 160 m2 situé dans la grande halle, l'enseigne s'est donc repliée dans une des 26 Folies, ces petits pavillons en métal rouge censés accueillir des événements à taille réduite. Victime de son isolement, la librairie a été contrainte d'augmenter ses marges sur les produits hors livre, face à un chiffre d'affaires divisé par quatre.
Ces conséquences, les librairies situées hors des zones olympiques, les ont également éprouvées. Malgré sa stratégie commerciale basée sur la mise en avant d'une vitrine olympique, l'Écume des Pages (VIe arrondissement) a ainsi constaté « un léger effet au niveau des ventes », en raison d'un boulevard « peu fréquenté ».
« La librairie n’est pas le premier commerce vers lequel se ruent les touristes ou les gens venus voir les JO », relate Elsa Pierrot, déléguée de l'association Paris Librairies. Malgré tout, elle tient à souligner l'inégale situation économique entre les librairies, « selon leurs typologies et les quartiers dans lesquels elles sont situées ».
« On s'attendait à bien pire »
Par exemple, située à Issy-les-Moulineaux, non loin du site olympique de Porte de Versailles, L'Échappée Bulle s’est montrée plutôt satisfaite. La librairie avait fait le choix délibéré de rester ouverte les deux premières semaines d'août pour tenter de profiter de la ferveur des Jeux. « La course de cyclisme passait ce week-end (10-11 août), juste devant la librairie. Après leur passage, on a accueilli quelques touristes, notamment des Britanniques », témoigne le libraire Kévin Soumier.
Alors qu'elle s'attendait à de plus grandes répercussions, avec un VIe arrondissement enclavé, la Procure s'est finalement réjouie d'un changement de périmètre de dernière minute. « Ce n'est pas aussi catastrophique que ce que l'on pensait, je crois qu'on s'attendait à bien pire », confie un de ses libraires, précisant que la baisse d'activité de l'enseigne est surtout a imputer à son choix de fermeture, les jours de grande compétition. Il ajoute : « Nous avons même eu plus de touristes que les années précédentes, spécifiquement avant le début des Jeux ».