Si l'Afrique est la terre mère de l'humanité, l'écriture de son histoire, à l'échelle des siècles, est récente, et étrangère. Ses différentes civilisations n'ont pas laissé de témoignages écrits - à l'exception peut-être des manuscrits de Tombouctou, mais qui sont calligraphiés en arabe. Seulement des langues, des traditions orales, et des objets catalogués aujourd'hui "arts premiers". Si l'on veut connaître cette histoire, il faut donc s'en remettre aux témoignages et récits d'aventuriers, navigateurs, explorateurs, commerçants, ambassadeurs ou simples curieux qui ont sillonné le continent, depuis le VIIIe siècle jusqu'au XVe, période qui correspond grosso modo à notre Moyen Age.
Ou bien aux archéologues contemporains, qui se fondent sur des objets afin de tenter de reconstituer des mondes mal connus. Comme ce petit rhinocéros d'or du XIIIe siècle qui prête son nom au livre de François-Xavier Fauvelle-Aymar, découvert en 1932 en Afrique du Sud, à Mapungubwe, une ville qui a peut-être été la capitale d'un premier royaume embryonnaire du futur pays.
Fauvelle-Aymar, directeur de recherches au CNRS, spécialiste internationalement reconnu de l'histoire africaine, a ainsi élaboré un ouvrage original et vivant : non point une nouvelle histoire de l'Afrique noire, mais un voyage didactique en 34 étapes, du VIIIe au XVe siècle. Depuis Du Huan, un soldat chinois fait prisonnier en Ouzbékistan en 751, réduit en esclavage, et qui se retrouvera, après bien des tribulations, dans un pays qu'il appelle Molin, où les hommes sont noirs, et qui pourrait correspondre à l'Erythrée actuelle. Plus tard, au XVe siècle, Zhong He, un autre Chinois, eunuque impérial et grand amiral sous la dynastie Ming, un musulman, accostera par deux fois, lors de ses nombreuses expéditions, en Afrique. Peut-être du côté de Malindi, dans l'actuel Kenya. Là même où, en 1498, un certain navigateur parti de Lisbonne, Vasco de Gama, qui venait de contourner l'Afrique par le cap de Bonne-Espérance, fit une ultime escale sur le continent, avant de faire voile vers Calicut, dans le Kerala, et d'y fonder l'empire des Indes portugaises. Entre le Chinois - clin d'oeil à l'actuelle "invasion" de l'Afrique par les fils de l'empire du Milieu - et le Portugais, un Vénitien, Marco Polo, qui traite de Madagascar et de Mogadiscio sans s'y être rendu - pas plus qu'en Chine, prétendent certains. Et bien d'autres voyages, du Ghâna - qui n'était pas le moderne Ghana mais sans doute situé au Niger - décrit par les irremplaçables géographes arabes Al-Bakrî, Al-Idrîsî (auteur d'un atlas dès le XIIe siècle), Ibn Saîd et son continuateur, le prince ayoubbide syrien Abû l'Fidâ, un encyclopédiste, jusqu'à l'Ehtiopie, au Sahara, au Zambèze...
L'Afrique n'a pas attendu les Occidentaux, on le voit, pour participer des échanges internationaux. Ceux-ci, en revanche, en la colonisant et en imposant à ses peuples l'apprentissage de leurs langues, écrites, lui permettront d'entrer dans une seconde phase de son histoire. Mieux connue, bien sûr. Ce Rhinocéros d'or est d'autant plus précieux qu'on y apprend beaucoup.