Let it be ! 1986 : Barnabé Voisin et ses amis se rendent à Paris aux manifs contre le projet de loi Devaquet relative à la sélection à l'université. Côté bouffe, pas sélectifs non plus, les lycéens : ils vont au McDo de Saint-Michel, où, installée à côté, une bande de types à tête rasée les reluque, l'air mauvais. L'un d'eux vise particulièrement les pieds de Jean-Albert chaussés de Doc Martens coquées. Ni une ni deux, Barnabé et ses amis quittent le fast-food mais trop tard, les voilà avec les skinheads aux trousses. Barnabé balance une insulte et reçoit en retour un grand coup dans les côtes. Quant à Jean-Albert, l'envieux sans cheveux lui pique sa paire de Doc. Rentrés dans l'appartement de Jean-Albert, le narrateur de Dans la cour, tout contusionné, et son copain en chaussettes se consolent en jouant à la guitare un morceau des Beatles, en se demandant pourquoi le réel ne tourne pas rond. Ne pas chercher plus loin : Let it be, la réponse est dans le titre de la chanson - ainsi soit-il !
Ainsi va la vie qui dérape et tourneboule, mais reprend toujours sa course folle, ou sa marche cahin-caha... Le héros du premier roman du compositeur de musique de film Jérôme Rebotier le sait mieux que quiconque. Un soir de 1977, une DS fait une sortie de route. Volontairement ? Nul ne sait. En tout cas, c'était son père. Barnabé avait 6 ans, quatre ans auparavant sa mère était morte des suites d'une maladie. Chaque année scolaire, quand il faut remplir la sempiternelle fiche de renseignements, il inscrit à la case « profession des parents » : « décédés ». Restés à Paris, sa grande sœur et son grand frère, de dix ans ses aînés, étaient encore trop jeunes pour s'occuper de lui. Barnabé est élevé par son oncle et son épouse en Bretagne, où il passe une enfance d'ennui au sein d'un environnement ultrapieux. À l'adolescence, l'orphelin part pour l'internat, où, quoique timide, il ne manque pas de copains et fait montre d'une personnalité vive et attachante.
Le primo-romancier joue une partition fine sur la joie malgré les blessures, sur le salut par le rock et l'amitié. En sagace funambule, il avance sur une ligne de crête et une jolie bande-son virtuelle : David Bowie, Talking Heads, The Velvet Underground, The Cure... (un QR code en fin d'ouvrage permet d'y accéder). Entremêlant les quatre cents coups d'un ado « dans la cour de la vie » et ses premiers flirts mal assurés, une prime enfance endeuillée par la disparition des parents et des souvenirs sublimés par la poésie et le sens de la musique, Jérôme Rebotier dévide son récit, sans filet- sans jamais tomber dans le pathos, mais avec la sincérité d'un dévoilement qui touche.
Dans la cour
Héliopoles
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 17 € ; 216 p.
ISBN: 9782379850868