Jérémy Lachal, BSF : "On manque d’un discours politique sur l’accueil"

Jérémy Lachal - Photo YouTube/Google Impact Challenge

Jérémy Lachal, BSF : "On manque d’un discours politique sur l’accueil"

Directeur général de l’ONG Bibliothèques sans frontières, spécialisée dans les actions auprès des populations réfugiées, Jérémy Lachal plaide pour une approche interculturelle de l’accueil des migrants.

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Par Véronique Heurtematte
avec Créé le 02.03.2018 à 00h46

Jérémy Lachal - Dans la littérature scientifique sur la question de l’accueil et de l’intégration des migrants, les trois axes qui reviennent le plus souvent sont l’apprentissage de la langue du pays d’accueil, l’accès à l’emploi et le dialogue interculturel. Il n’y a pas beaucoup d’autres acteurs que les bibliothèques à être aussi bien placés sur l’ensemble de ces trois domaines. Pourtant, elles n’ont pas toujours les moyens pour jouer à plein leur rôle.

Le principal problème, c’est l’absence de porosité entre les professionnels de l’asile et l’extérieur, et, bien souvent, l’absence de dialogue entre les responsables des centres et les acteurs publics, parmi lesquels les bibliothèques. J’observe aussi une différence entre la conception anglo-saxonne des bibliothèques, très pragmatique, centrée sur les résultats en matière d’emploi, de santé, etc., et une conception française plus ouverte, où la bibliothèque est un vecteur de la culture émancipatrice. Avec peut-être pour conséquence qu’en France les élus ne voient pas la bibliothèque comme un acteur de premier plan dans l’accompagnement à l’intégration des migrants. Aux Etats-Unis, la bibliothèque est souvent le premier lieu d’apprentissage de l’anglais pour les étrangers.

Enfin, je pense qu’on manque en France d’un véritable discours politique sur l’accueil et l’intégration des populations étrangères. C’est souvent un sujet tabou qu’on aborde sous un angle négatif et rarement dans une démarche positive, comme un projet de société qui pourrait impliquer l’ensemble des organes de cette société.

Les politiques d’intégration fonctionnent généralement à sens unique. On demande aux migrants d’apprendre le français, de s’adapter. C’est bien sûr indispensable, mais montrer la valeur ajoutée que ces personnes apportent à notre pays, valoriser leur culture, cela contribue aussi à leur intégration. Les migrants ne doivent pas être seulement destinataires d’une action culturelle, ils doivent aussi en être les acteurs.

C’est en effet un vrai problème. Il n’y aura pas de solution tant que cette question restera traitée au niveau local, car les bibliothécaires sont limités par les contraintes des marchés publics et par le fait qu’ils ne maîtrisent pas les langues en question. On pourrait, par exemple, réfléchir à un système mutualisé à l’échelle nationale d’acquisitions de contenus numériques et d’ouvrages. On doit plus globalement se poser la question de la place du multilinguisme en France et de la reconnaissance de la diversité culturelle de notre pays. A la bibliothèque publique de New York, il y a plus de 70 langues différentes parlées par les salariés. La bibliothèque reflète la diversité des usagers.

02.03 2018

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