Qui sont les auteurs de guides touristiques ? 2/6

Jean-Pierre Cassely (Jonglez) : "C’est une véritable enquête policière"

Jean-Pierre Cassely - Photo DR

Jean-Pierre Cassely (Jonglez) : "C’est une véritable enquête policière"

Parcourir le monde, dormir à l’hôtel et dîner au restaurant tous frais payés, c'est le métier des auteurs de guides de voyage. Pourtant, on en sait peu sur cette profession qui fait rêver. Parcours, recrutement, galères, souvenirs inoubliables… Suite de notre série pour mieux connaître ces voyageurs pas comme les autres. Chaque volet sera le témoignage d’un auteur d’une maison d’édition. Aujourd'hui, Jean-Pierre Cassely de Jonglez

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Par Manon Quinti
Créé le 18.07.2014 à 20h29 ,
Mis à jour le 28.07.2014 à 15h10

En 2003, ce Marseillais a changé de vie. Jean-Pierre Cassely quitte l’univers froid du web pour celui du patrimoine et de la fantaisie : il devient "conteur de rue". Commence alors en parallèle une longue collaboration avec Jonglez, éditeur de guides insolites. A 67 ans, l'auteur, devenu aussi chroniqueur à la radio, a acquis une petite notoriété dans la région de Marseille. Il nous raconte son quotidien, entre enquête, écriture, visites, chroniques radiophoniques et même passages promo à la télévision.

Qu’est-ce qui vous a mené à l’édition touristique ?
Il y a 10 ans, j’étais auteur de CD-ROM thématiques. Avant j'avais été journaliste à France 3 pendant 10 ans. En 2001, j’ai perdu ma femme. Elle a été tuée dans le braquage de sa bijouterie. J’ai voulu passer à autre chose, j’ai tout arrêté. Un jour, je suis allé visiter le Père Lachaise avec le génie des guides parisiens, Bertrand Beyern. Ça a été une révélation. C’était à la fois hyper-pointu, hilarant, fin. C’était comme une pièce de théâtre en plein air. Je ne savais même pas que ça existait : pour moi le guide c’était celui qui disait "Ici vous avez une colonne avec un chapiteau dorique…" J’ai compris qu’on pouvait faire revivre le passé à partir d’un objet, d’un immeuble ou d’un lieu. Dans le TGV du retour, j’étais déjà en train de goupiller ma première visite en tant que "conteur de rue". Six mois après, j’ai lancé mon activité : la première année Cassis, puis, la deuxième, Marseille et Aix. Depuis, j’ai passé mon diplôme de guide conférencier.

Comment avez-vous été "recruté" ?
Quand j’ai lancé la visite Marseille et Aix, en 2004, un livre intitulé Marseille insolite et secrète a été publié chez Jonglez. Je me suis dit que c’était dommage que ce ne soit pas moi qui l’ai écrit. Alors j’ai envoyé un mail à l’éditeur pour lui parler de mon projet d’écrire un guide sur la Provence à Paris. Thomas Jonglez m’a proposé d’écrire d'abord un guide sur la Provence en Provence ! Il m’a demandé dix pages de maquette en guise de test.

Pourquoi cumuler différentes activités ?
Dès le début, j'avais pensé qu'il fallait que mon activité de guide soit soutenue par des bouquins : ça donne du poids à la visite. Je gagne aussi 30% de ma clientèle grâce à la radio : je tiens une chronique sur France Bleu Provence, "Provence insolite", tous les matins à 6h55. Je conçois mon métier avec différentes approches de médias : la radio, le livre et le live. Le jour où la tablette est sortie, je l’ai achetée, le lendemain, je l’utilisais pour mes visites.
 
Comment dénichez-vous les lieux insolites ?
Ça, c’est un secret ! Déjà, il faut s’appuyer sur ce qui existe. Je lis des livres, je vais dans les bonnes bibliothèques. Au début, pour les visites, j’y ai passé un temps fou. Comme je fumais, ça devenait infernal. On ne peut pas vraiment laisser son sac au milieu de la table, c’était trop compliqué, alors j’ai dû arrêter de fumer... Ensuite, il y a internet. Et puis vient le relationnel. Il faut interroger l’érudit du coin, qui connaît tout. C’est une véritable enquête policière. L’ancien rédacteur en chef du quotidien régional peut aussi fournir des informations. Et puis il y a les sujets qu’on trouve tout seul.
 
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Votre plus belle trouvaille ?
J’étais en Toscane, en Italie, dans le village de naissance de l’auteur de Pinocchio. Dans un café, je vois un tableau qui représente un chêne et Pinocchio. La directrice de la bibliothèque du lieu m’avait offert des livres sur le village, dont un sur les merveilles de la nature, avec un grand chêne dedans. C’était bizarre : c’était le même chêne que sur le tableau du café. Je suis allé voir l’arbre en question. Une fois rentré à Marseille, ça m’a trotté dans la tête. J’ai trouvé que la première fois que Pinocchio était apparu c’était dans une BD en noir et blanc, dans un quotidien italien. A la fin le pantin est pendu par le renard et le chat à un chêne. C’était le chêne du village. Les gens du coin, notamment à l’office de tourisme, n’en revenaient pas.

Quel regard portez-vous sur ce métier d'auteur ?
C’est formidable. Publier un livre, c’est énorme, je trouve. En plus chez Jonglez, les guides sont signés. Je suis invité dans des salons du livre, en librairie, à la télévision.

Quelles sont les difficultés du métier ?
Ca demande beaucoup d’efforts. Les débats concernant les corrections sont difficiles. L’éditeur reprend les textes, il unifie les styles. Quand on a écrit un guide, on ne peut plus écrire pour autre chose : ça assèche la créativité. Et puis je n’ai plus l’enthousiasme des débuts car j’ai écrit tous les guides que je pouvais écrire : je n'effectue plus que des mises à jour.

Quel est votre statut ? Arrivez-vous à vivre de cette activité ?
Je suis en droit d’auteur. Je suis payé en pourcentage par rapport aux ventes. Il ne faut pas compter sur ça pour vivre, c’est un petit complément.
 
Quel est votre pire souvenir ?
Quand vous avez trouvé quelque chose d’extraordinaire et que vous ne pouvez pas le traiter, car le propriétaire ne veut pas. Ça a été le cas à Aups, dans le Var. Dans une ancienne maison, le propriétaire a gravé sur de la pierre l’état des connaissances du monde au XVIIIème siècle. C’est très frustrant de ne pas le partager.
 
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Et votre meilleur moment ?
J’ai consacré un article à une maison contemporaine en forme de tortue absolument incroyable et laissée à l'abandon. Du coup je me suis intéressé à l'auteur et je l’ai retrouvé, il était retraité à Florence. Il était tellement ravi de me raconter la genèse du projet que nous sommes devenus amis. A chaque fois que je suis à Florence je lui rends visite. Les rencontres qui sont les meilleurs souvenirs. Les bons sujets c'est bien, mais vous les traitez et c'est fini. Un être humain, vous pouvez continuer une histoire avec lui.


Petite bibliographie
  • Provence insolite et secrète (2006, 2011 et nouvelle édition à paraître le 8 janvier 2015)
  • Côte d'Azur insolite et secrète (2007 et mai 2014)
  • Aix insolite et secrète (2009 et 2013)
  • Chez Hachette Tourisme (collection Evasion) : Côte d'Azur (2010 et 2012)

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