"Publier, publier, publier", exhorte Jean-Noël Jeanneney dans son essai paru en septembre 2013 au Seuil (1) : historien, membre du haut comité des commémorations nationales, l’ancien président de la BNF, parmi les multiples fonctions qu’il a exercées, estime que le centenaire de la Première Guerre mondiale doit notamment être l’occasion de faire connaître les multiples traces écrites et archives laissées par les contemporains de l’événement.
Analysant brièvement pour Livres Hebdo l’historiographie du conflit, il rappelle que celle-ci porte toujours "l’empreinte des préoccupations contemporaines : aujourd’hui, elle s’intéresse à la manière dont cette machine infernale a pu s’enclencher, par rapport à la construction européenne actuelle". C’est un retour sur la recherche des responsabilités, "moins passionnée car il n’y a plus les enjeux que portait cette quête dans l’immédiat après-guerre". "Les oppositions entre les historiens se calment, que ce soit à propos des mutineries, des fusillés, ou des raisons pour lesquelles les combattants ont tenu, entre la contrainte et la volonté patriotique, tout ça est étudié", ajoute Jean-Noël Jeanneney.
La disparition des acteurs a aussi libéré l’analyse historique, et un phénomène similaire est à l’œuvre en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, la Résistance, la libération de la France : "Nous sommes arrivés à des vérités assez nettes. Il y a moins d’affectivité dans les débats." Mais la parole directe compte toujours dans la transmission d’une mémoire : "La présence des derniers acteurs est une des raisons pour lesquelles il a été jugé nécessaire de commémorer les 70 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale", explique l’historien, qui a vigoureusement milité pour une séparation claire des deux anniversaires : "Il ne faut pas tout mélanger", insiste-t-il.
(1) La Grande Guerre, si loin, si proche, réflexions sur un centenaire, Le Seuil, 158 pages, 16 euros, 2013.