A cette occasion, Livres Hebdo a rencontré Jean-François Colosimo, directeur général des éditions du Cerf, qui commente cette collection singulière qui sort ce 4 février. Sept écrivaines et écrivains s’emparent chacune, chacun de l’un des sept péchés capitaux : Céline Curiol, la paresse ; Cécile Ladjali, la gourmandise ; Louis-Henri de La Rouchefoucauld, l'avarice ; Linda Lê, la colère ; Laurence Nobécourt, la luxure ; Laurent Nunez, l’orgueil ; Mathieu Terence, l'envie.
Pourquoi cette collection?
La théologie et la littérature entretiennent un très ancien dialogue. Comment le renouer aujourd’hui ? L'idée est venue de proposer à sept écrivains de la même génération, à la fois des esprits libres et des créateurs exigeants, de traiter d’un des sept péchés capitaux en donnant une illustration contemporaine de ce thème vieux de 2000 ans qui a façonné notre mentalité en passant de la doctrine spirituelle à la culture populaire. Or, en ce début du XXIe siècle, la question du mal, à l'échelle individuelle ou planétaire, demeure entière. Voire plus énigmatique que jamais. Nous avons pensé que revenir à cette source antique comme à un motif d’inspiration pouvait être éclairant si elle redevenait une affaire d’écriture liant la fonction critique à la force de l’imaginaire.
Qui a piloté le projet ?
A l'origine, Alexandra Berthet, notre secrétaire générale, en a eu l'idée. Le directeur éditorial, le frère Renaud Escande et moi-même en avons supervisé l’avancement du début à la fin. L’éditrice attitrée en a été Inès Loureiro qui œuvre désormais chez Actes Sud-Papiers. Comme vous le voyez, il y est allé d'un projet collectif et partagé.
Cette collection était-elle prévue pour début 2021 ou est-ce un report dû à la crise sanitaire?
Entre le projection et la parution, il s’est écoulé un peu plus de trois ans. Nous avons un temps envisagé une sortie pour la rentrée de l’automne 2020. Mais la pandémie a joué un effet retard finalement bienvenu. Le premier trimestre s’avère une plage favorable pour la publication simultanée de sept autrices et auteurs dont les solos si personnels forment en même temps une harmonieuse composition orchestrale.
L'idée était, dites-vous, d'aller chercher une génération d'écrivains. Quelle a été leur réaction lorsque vous les avez contactés ?
Etonnante de réceptivité. Les réponses ont été rapides, les choix clairs, le programme vite arrêté. Nous les avons choisis de cœur car nous les lisions toutes et tous avec attention et enthousiasme depuis longtemps. Nous avions déjà publié les essais de certains d’entre eux, Laurence Nobécourt, Laurent Nunez et Mathieu Terence. Le tout a revêtu une sorte d'évidence pour eux et pour nous. Une amitié joyeuse est ressortie de ce curieux défi et de cet étrange pari. Leur généreuse créativité, dont il me faut les remercier, a fait le reste.
Il s'agit d'un projet singulier dans votre segment…
Oui, singulier est la bonne épithète. Les incursions du Cerf dans le domaine de la fiction sont en effet rarissimes. La littérature n’est pas pour autant absente de notre catalogue. Elle y figure comme objet d’étude mais aussi comme forme d’expression : Evagre le Pontique, le premier théoricien des sept péchés capitaux que nous publions en Sources chrétiennes, est un immense théologien mais aussi un remarquable écrivain du IVe siècle. Etablir un pont entre le patrimoine et l’actualité, demander à sept auteurs de sauter par-dessus les âges pour faire écho à l’un de leurs précurseurs, tel était aussi l’enjeu. Or, Céline Curiol, Cécile Ladjali, Louis-Henri de La Rouchefoucauld, Linda Lê, Laurence Nobécourt, Laurent Nunez, Mathieu Terence ont rendu cette aventure possible en raison même de leur talent reconnu par les critiques, les libraires, les bibliothécaires, les lectrices et les lecteurs. Ils l’ont au sens propre incarnée.
Comment avez-vous abordé la diffusion ?
Nos représentants d’Interforum se sont mobilisés avec passion. Un livret et une affiche ont complété leur médiation. Les demandes de lecture en avant-première, émanant de la librairie et de la presse, ont suivi. Il n’est pas de plus grand bonheur pour un éditeur que de s’effacer derrière les textes et de voir l’entière chaîne du livre les faire siens afin de les promouvoir.
Puisque vous évoquez votre catalogue, comment ressort l'année 2020 pour le secteur religieux ?
Aucune année ne ressemble à l'autre. Mais l’année 2020 a été indéniablement marquée par la publication de Tous frères (Fratelli tutti), l'encyclique du Pape François. Cette méditation d'ordre spirituel, mais aussi d'ordre social et politique, a été un grand succès lu par-delà les cercles croyants car elle dénonce l'état de division du monde actuel et du manque de fraternité qui y règne. Dans le cadre de la pandémie, cet appel à la solidarité n’en a été que plus frappant. Preuve que le secteur dit religieux vaut lorsqu’il s’adresse, comme cette collection sur les sept péchés capitaux, aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui qui sont en quête de sens.