FICTION

Jean-Baptiste Botul : "… ou alors quoi ?"

Jean-Baptiste Botul jeune. - Photo OLIVIER DION

Jean-Baptiste Botul : "… ou alors quoi ?"

Des écrits, forcément apocryphes, de Jean-Baptiste Botul, philosophe fictif que tout le monde connaît depuis que Bernard-Henri Lévy l'a adoubé, seront publiés le 5 janvier à La Découverte. Du trou au tout, texte établi par Jacques Gaillard, revient sur la période de la drôle de guerre.

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Par Anne-Laure Walter
avec Créé le 06.03.2015 à 20h04

Etre ou ne pas être ?... ou alors quoi ?" Ce "botulème", aphorisme propre à Botul, résume bien la difficulté de répondre à la question de l'existence du philosophe, dont La Découverte publie la correspondance, Du trou au tout, le 5 janvier. Cette interrogation est bien trop binaire pour l'association Les Amis de Jean-Baptiste Botul, qui travaille à construire l'oeuvre du penseur fictif ! "Cela signifierait qu'il y a soit le non-être, soit l'être... la position botulienne est beaucoup plus nuancée", s'amuse Frédéric Pagès, journaliste du Canard enchaîné et créateur de l'association. Un des piliers de la pensée botulienne est "l'alorsquoitisme", à savoir le concept du "ou alors quoi". Pour Botul, "l'existence précède l'essence... ou alors quoi ?". De plus, le penseur existe dans les librairies : quatre ouvrages sont parus aux Mille et une nuits, dont La vie sexuelle d'Emmanuel Kant, traduit dans une dizaine de pays. Il est référencé dans les bibliothèques universitaires, dans les médias, il a même donné son nom à des places de village dans l'Aude, la région de sa supposée naissance en 1896. "La manière d'exister d'un philosophe n'est pas dans son corps charnel mais dans ce qu'il diffuse", affirme Jacques Gaillard, agrégé de lettres classiques qui vient d'achever, quatre ans après l'édition critique de La métaphysique du mou, celle Du trou au tout.

"Botulgate"

Si au départ Botul n'existe que dans la tête d'une poignée de copains - professeurs, journalistes, avocats, comédiens ou psy -, un penseur national va lui donner une tout autre résonance médiatique. Bernard-Henri Lévy, dans De la guerre en philosophie (Grasset) qui paraît le 5 février 2010, cite au premier degré les conférences de Botul en Amérique du Sud sur la vie sexuelle de Kant. Il se fait épingler par la presse, hilare, et reconnaît s'être fait avoir. C'est le "Botulgate", selon Frédéric Pagès, qui se retrouve à répondre aux interviews de journalistes français et étrangers. Le New York Times lui consacre un article. Le journaliste du Canard enchaîné traverse même l'Atlantique en novembre 2010 pour une conférence à l'université de Duke, et tente de répandre aux Etats-Unis un courant post-botulique - "les Américains aiment bien les post-studies ». Pas étonnant que BHL ait été nommé ensuite pour le prix Botul et que la dédicace en tête de Du trou au tout soit "Merci, Bernard !". Car Botul a depuis pris du galon, et ses livres intégreront un remarquable catalogue de sciences humaines, aux côtés de ceux d'Eric Fassin ou de Hartmut Rosa, celui de La Découverte.

Jean-Baptiste Botul est né dans l'esprit de Frédéric Pagès pour une banale question d'assurance. En 1995, il lance des joutes philosophiques et, pour des raisons de responsabilité en cas d'accident, doit constituer une association. Ce sera Les Amis de Jean-Baptiste Botul, justement parce que le nom est ridicule. La bande de copains va alors obstinément chercher à reconstituer la vie et l'oeuvre de Botul, à raison d'une réunion hebdomadaire, le café Botul, d'une université d'été, "Les botulades", dans l'Aude, par le biais de publications qu'ils signent à tour de rôle, à partir d'archives inventées au fur et à mesure, prétendument retrouvées dans une armoire en bois fruitier. "Sa biographie se construit livre après livre, sans comité scientifique mais avec pour seul principe que Botul ne peut pas être à deux endroits à la même date", précise Frédéric Pagès.

Conquête de la factrice

Le nouvel opus présente la correspondance que Botul a échangée avec lui-même pendant la drôle de guerre. Tandis que Sartre est en Alsace, Botul est à Paris, qui fréquente Simone de Beauvoir et multiplie les conquêtes, notamment la factrice pour économiser les timbres. Ce "solipsisme épistolaire" entraîne une réflexion sur la notion de trou qui va glisser vers le concept de Tout. "On peut faire une ontologie à partir du trou, affirme Jacques Gaillard. Il faut le vouloir et de la culture. Botul est un grand lecteur, il gagne sa vie en faisant des thèses de philo, notamment pour Merleau-Ponty et Lecanuet." Car, au-delà de la plaisanterie, la recherche botulienne est avant tout l'oeuvre d'intellectuels rompus aux discours référencés et documentés. Courant 2012 paraîtra un autre essai sur la rencontre entre Botul et Marie Curie, menant une réflexion sur le nucléaire, la science et le vieillissement de la peau. Enfin, Les Amis de Botul ont décidé en 2012 de partir à la recherche de sa tombe - le philosophe est mort en 1947 dans des circonstances obscures, et son sépulcre n'a pas été identifié -, et préparent donc une série de visites commentées de cimetières sur les traces de Botul.

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