Assise sur un banc de la capitale, avec juste une larme sur la joue et une piqûre dans le cou, Eloïse Pinson se retrouve sans aucun souvenir. Même le nom inscrit sur ses papiers d'identité ne lui évoque rien. Retrouver le chemin de son domicile tient très vite de l'épreuve et, devant la porte de l'appartement, elle se demande avec inquiétude ce qu'elle va y trouver : un inconnu étonné, une scène de meurtre, une fête, des preneurs d'otages, un gros lourd avachi devant la télévision, la police, une famille ou un mari en train de la tromper... ? C'est pour elle le début d'une quête angoissée de son identité mystérieusement évanouie.
Entre suspense et comédie, Boulet, au scénario, et Pénélope Bagieu, au dessin, ont construit un jeu de pistes ludique, intrigant et cocasse. Les deux stars de la blogosphère BD, avec chacun un site qui draine quotidiennement plusieurs dizaines de milliers de lecteurs (www.bouletcorp.com et www.penelope-jolicoeur.com), ont notamment publié, avec succès, pour le premier six volumes de Notes, chez Delcourt (collection "Shampooing"), et pour la seconde Ma vie est tout à fait fascinante et Joséphine (J.-C. Gawsewitch, Le Livre de poche) ainsi que Cadavre exquis (Gallimard). Ils suivent cette fois pas à pas les recherches souvent vaines d'Eloïse, prenant un malin plaisir à opposer les maigres indices recueillis par la jeune femme aux fantasmes qu'elle nourrit.
Eloïse doit d'abord se débrouiller au quotidien pour se réintégrer dans son emploi de libraire chez Grambert, dont elle doit réassimiler tous les aspects, de la configuration des lieux aux rapports avec les collèges. En parallèle, espérant se découvrir différente de la personnalité banale qu'elle pressent au contact de l'environnement qu'elle redécouvre, elle se lance à la poursuite d'un je qui lui échappe sans cesse. Elle envisage toutes les options pour expliquer son amnésie, du choc d'une rupture amoureuse à un enlèvement par des extraterrestres. Son métier ne lui donne-t-il pas accès, à travers les livres, à de multiples réalités ?
Au découpage habile de Boulet répond le dessin très frais de Pénélope Bagieu, et ses couleurs vives. La dessinatrice réussit particulièrement ses scènes de nuit. Elles distillent une sourde anxiété qui fait pourtant bon ménage avec le ton léger du récit.