24 août > Roman France

C’est peu avant Belfort, en 1872, que se rencontrent Baruch Lehman et Alphonse Muller, deux jeunes Alsaciens qui n’acceptent pas que leur pays soit devenu allemand, et qui ont décidé de rejoindre la France. L’un est fils de commerçant juif, en marge de sa communauté. Devenu apprenti chez un forgeron goy, il changera ensuite son prénom en Bernard. Il ne retournera chez lui que douze ans plus tard, à la mort de son père, Nathan. L’autre, surnommé Fons, est un cartographe anarchiste. Se considérant tous deux comme des parias, parce que parlant allemand, la langue de l’ennemi héréditaire, ils sont persuadés que "la liberté n’est pas une idée mais un endroit", fascinés par des expériences de communautés utopistes, comme celle de Libertalia, implantée à Madagascar.

Voici les deux amis sur la route de Paris, à pied, puis en bateau, sur la Marne. Un clin d’œil au Flaubert de L’éducation sentimentale, qui permet à Mikaël Hirsch de belles descriptions de la France d’alors, à la fois rurale et laborieuse. C’est cette énergie qui portera Bernard et Fons dans leur vie à venir. L’un, devenu chef d’atelier chez le fondeur qui réalise la statue de la Liberté de Bartholdi, pour le compte d’Eiffel, implantée à New York en 1886. Il se marie à Rachel, une couturière juive qu’il n’aime pas, et leurs deux fils, François et Charles, ne seront pas élevés dans la religion de leurs aïeux. L’autre, cartographe officiel, franc-maçon de la loge Alsace-Lorraine du Grand Orient de France où il coudoie Joffre, Jules Ferry, Lesseps, Erckmann et Chatrian, ou Bartholdi, participera à quelques expéditions, dont celle du canal de Panama. Il terminera administrateur des Colonies. Célibataire, il n’a cessé de fréquenter son ami Bernard. Mais le temps a passé. Les voilà à l’Exposition universelle de 1889, celle de la tour Eiffel. Qu’ont-ils fait des révoltes, des illusions de leur jeunesse ?

J.-C. P

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