Dans sa superbe préface, Jens Christian Grondahl évoque mieux que personne Herman Bang et ses livres "peuplés de personnages discrets, périphériques, souvent des femmes ; des êtres obscurs, dont la banalité se mue en drames existentiels, ceux des chagrins muets, de désirs jamais assouvis". En janvier, Phébus continue son travail de remise en avant de l'oeuvre du grand écrivain danois né en 1857 dans l'île d'Als, sur la côte orientale du Schleswig, et mort en 1912 aux Etats-Unis.
Après une première salve l'année dernière, avec la parution en grand format de Mikaël et, dans la collection "Libretto", des Quatre diables, voici que nous arrive le roman considéré comme le chef-d'oeuvre de Bang : Ida Brandt, écrit en 1896. On pourra retrouver des échos du théâtre d'Ibsen ou de l'Effi Briest de Theodor Fontane dans un portrait de femme tout en finesse et en nuances.
Mademoiselle Ida Brandt a 28 ans lorsqu'on la découvre. Elle travaille dans un hôpital où elle assure les gardes de nuit et borde des vieillards. L'auteur de Maison blanche, >de Maison grise et de Tine la ramène au temps de son enfance, à la campagne, lorsqu'on l'appelait "la petite", puis en ville, avec un bel héritage reçu à la mort de sa mère. Très vite, Ida a eu envie de devenir infirmière, assurant que c'est la seule chose qu'elle sache faire et qu'elle serait ainsi "un peu utile... à quelqu'un...".
Il s'agit là d'une personne qui, de manière générale, a une préférence pour les itinéraires familiers. Dotée d'un rire "bref, presque sourd", elle dit n'être jamais tombée amoureuse bien qu'il lui soit souvent arrivé de se sentir "accablée". Et puis voici qu'Ida se met à fréquenter le nonchalant Karl von Eichbaum, qui l'emmène "manger français" et trouve qu'elle devrait toujours "s'habiller en jaune"... Herman Bang affirmait vouloir "exprimer par les mots la douleur de ceux qui ne se plaignent pas". Tragique et incarnée, pure et intense, son Ida Brandt fait partie des héroïnes que l'on n'oublie jamais.