Face à un premier livre d’un encore jeune auteur (Arnaud Modat a 37 ans), le lecteur est forcément tenté de se poser la question : y a-t-il, dans ce texte, des éléments autobiographiques, du vécu ? Probablement, ici, si l’on en croit l’autoportrait que chaque auteur Alma propose à la fin de son ouvrage. Modat termine ainsi : "J’éprouve le plus grand respect pour les rares personnes qui ont pour loisir de chuter volontairement au milieu d’une foule, pour voir ce qui se passe." On comprend mieux, du coup, pourquoi la plupart de ses personnages, des hommes, sont des losers, des déclassés, des cabossés, des pas calés dans la vie. Comme les parents de Sébastien, père blaireau et mère enceinte, qui passent leurs week-ends à se bagarrer avec leur famille. Michel, l’intérimaire de chez Kelly Service, embauché pour répondre au courrier du Père Noël, qui craque et plaque tout. Ou encore César, le veilleur de nuit suicidaire qui va finir par rencontrer la Mort, en chair et en os.
Quoique décrit dans un style savoureux et drôle, le petit monde d’Arnaud Modat n’est pas exactement paradisiaque : alcoolisme, solitude, chômage, précarité… La seule nouvelle vraiment positive, c’est la deuxième du recueil, "Raoul". Le prénom de l’enfant miraculeux d’Aurore et Quentin, après que le futur père eut consenti à déclencher l’accouchement de sa femme en lui refaisant l’amour, sur les conseils d’une sage-femme, et à la soviétique ! Arnaud Modat possède un ton, un univers, de l’imagination. J.-C. P.