De passage en France l’année dernière pour y présenter son dernier livre, Une double vie, c’est deux fois mieux (éditions Joëlle Losfeld), Jonathan Ames ne cachait pas son admiration pour les romans noirs que Donald Westlake signait du pseudonyme Richard Stark. Romans cinglants où l’on retrouve un personnage culte et sans états d’âme du nom de Parker.
Son nouvel opus, Tu n’as jamais été vraiment là, est un hommage direct et revendiqué à Stark et Parker. Le héros d’Ames, lui, se nomme Joe. Dans une ruelle à sens unique de Cincinnati, alors qu’il vient d’exfiltrer une fille en danger et s’apprête à quitter la ville, il doit d’abord parer l’attaque d’un inconnu armé d’une matraque.
Franc-tireur, ancien marine et ancien du FBI, Joe a du répondant. Mi-irlandais, mi-italien, 48 ans, un mètre quatre-vingt-huit pour quatre-vingt-six kilos, notre homme est doté d’une mâchoire en forme de pelle et de mains impressionnantes. Sans compter qu’il fait chaque matin cent pompes et cent redressements assis. Voici quelqu’un qui pense souvent au suicide et a déjà essayé d’en finir, qui a conscience de ne pas être totalement sain d’esprit.
Brûlé par tout ce qu’il a enduré, notamment par le souvenir d’un père cogneur, Joe veut rester maître de lui-même, pur. Il est revenu habiter chez sa vieille mère qui ressemble à une veuve méditerranéenne. Son salaire, il le gagne grâce aux missions que lui confie McLeary. Un ancien flic et détective privé qui sert d’intermédiaire pour des agences de sécurité et des cabinets d’avocats. Pour l’heure, il lui faut aider le sénateur Votto dont la fille de 13 ans a été enlevée, droguée et envoyée dans un bordel de la ville…
Haletant, électrique et violent, ce roman est une course-poursuite d’une rare maîtrise qui se dévore d’une traite. L’auteur de L’homme de compagnie (Bourgois, 2001, repris en Points) frappe fort et réussit l’exploit d’égaler son maître Richard Stark. Avec Joe, Parker a bel et bien trouvé son digne successeur. Al. F.