28 août > Roman France

Il est assez piquant de découvrir ce roman dans la foulée de Roland-Garros, puisque toute la destinée de Julien Belot, le héros, est la conséquence de matchs de tennis : depuis ce beau jour de 1978 où sa mère, Hélène, jeune fille au pair aux Etats-Unis, assiste par hasard, à Hartford, Connecticut, à la première victoire contre Pfister d’un certain John McEnroe. Le gaucher d’origine irlandaise est jeune et beau, puissant, il a du caractère. Elle craque. Quelques mois plus tard, à San Francisco, elle succombe. Deux nuits d’amour, dont elle prétend que Julien est le fruit.

Après cet épisode flamboyant, Hélène n’a plus fait grand-chose de sa vie. Alcoolique, tabagique, dépressive, vivant aux crochets de ses parents, elle s’est confite en dévotion pour son John, suivant toute la carrière de la star des courts jusqu’en 1993, l’année où il a pris sa retraite. Vibrant pour ses succès, déplorant et excusant ses (nombreuses) défaites, lesquelles rythment les chapitres du roman, composé en apparence au mépris de la chronologie. Il s’ouvre, ainsi, en 1984, lors de la finale de Roland-Garros entre Lendl et McEnroe. La mère et son fils (de cinq ans) sont devant la télé. Alors que Hélène n’a d’yeux que pour John, Julien, lui, prend fait et cause pour Lendl, le Tchèque pourtant peu glamour. Comme pour se venger, elle annonce au gamin de qui il est le fils, histoire de pourrir toute sa vie. Mais Julien a du ressort. Il va mener son bonhomme de chemin, devenir à son tour tennisman, et même un assez bon, tout en conservant son secret. Mille fois, il manque écrire à celui qu’on lui a dit être son père, lequel ne lui a jamais donné le moindre signe. Soit McEnroe n’a jamais eu connaissance de cette paternité, soit Hélène a tout inventé. Julien, lui, est droitier…

Une mère absente, un peu sadique, immature, égoïste, qui refera sa vie avec un expert-comptable avant qu’ils ne se tuent à Ornans et soient enterrés, forcément, en son illustre cimetière. Julien s’est élevé tout seul, « adopté » par les familles de ses ami(e)s. Il s’est caparaçonné à sa façon, frimeur, séducteur, un peu misogyne, et, au final, médiocre : en 2006, il renonce définitivement au tennis, épouse une Caroline, lui fait des jumeaux, s’engage dans les impôts et se met au vélo !

Le fils de John McEnroe, magistralement conçu et mené, est le roman doux-amer de la construction d’une personnalité en dépit de l’adversité. C’est le livre, aussi, des illusions perdues. Julien est un personnage en demi-teinte, pas un super-héros, mais attachant, doué d’un sacré instinct de survie et d’un bel humour pince-sans-rire. Contrairement à McEnroe battu par Lendl, Sampras, Cherkasov, Hlasek et quelques autres, Arnaud Friedmann a gagné son match.

J.-C. P.

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