Pierre Desproges voyait dans l'endive un concentré de fadeur. De même les expressions fondées sur des noms de légumes sont rarement des éloges : « grande asperge », « finir comme un légume », etc. Choux, poireaux et brocolis ont mauvaise presse, surtout chez les enfants. L'illustratrice belge Bernadette Gervais a rendu toute leur superbe à ces mal-aimés. Son époustouflant imagier, en réalité un beau livre, célèbre toute la diversité et l'excentricité de leurs formes. Artiste plurielle, elle a travaillé dans cet album grand format aussi bien la photographie que l'illustration. Nul mot, nulle légende, seules éclatent sur la page de gauche la photographie gros plan en noir et blanc du légume, et sur celle de droite, sa réplique en couleurs au pochoir à l'acrylique. La photo dévoile la moindre aspérité et protubérance. Mais l'illustration est si réaliste qu'on ne sait plus où est le vrai, de la photo ou du dessin. Souvent l'on jurerait que la photo est la plus abstraite des deux. Le radis noir ou la tomate comme on ne les a jamais vus ! Leur plasticité et même leur excentricité nous fascinent. On découvre la rugosité de l'artichaut, la cambrure du piment, la délicatesse translucide du petit pois, l'assurance tranquille de la courge, la beauté complexe de l'oignon enroulé dans ses multiples peaux. Un superbe trompe-l'œil, dépouillé et nu. Souverain.