Contrairement à ce que son titre, un peu postmoderne, pourrait laisser croire, Lithium n’est pas un roman de plus sur le malaise de la jeune génération. Même s’il y a de ça, si sa tonalité est au final assez grise, et si l’univers où évoluent ses héros plutôt déprimants : boîtes de nuit, alcool, clopes, joints, télé, Internet et un peu de sexe. Quand ça marche. Et même si, à sa façon, chacun cherche le grand Amour. Ces ados attardés sont à la fois totalement désenchantés et étonnamment romantiques.

Elle a 23 ans, c’est une fêtarde triste et fataliste, dont la devise est : "on verra bien". Au début, elle est coanimatrice minable dans une radio musicale, chargée de la pire tranche, 6 h-9 h, maltraitée par un producteur répugnant. Un jour, elle craque, lui dit son fait, démissionne et décide de partir pour l’Australie. A jamais, et vite : elle fait ses bagages.

Lui est assez énervant. C’est "un amoral ambitieux", de "droite désinhibée", un jeune bourgeois tradi, commercial dans une boîte de portes et fenêtres à la Défense, qui essaie de vendre à des seniors tout ce dont ils n’ont nul besoin. Côté vie privée, il est vaguement "en couple", mais habite en colocation avec son collègue Edouard, guère plus sympathique. Sa relation avec Sofia bat durement de l’aile.

Leurs tristes vies sont racontées d’un samedi à l’autre en seize chapitres qui alternent entre Elle et Lui. Et c’est toute la magie romanesque que de les faire se croiser, puis se rencontrer, alors qu’Elle fait ses adieux à son père au cimetière où il repose, couche avec un type dragué au hasard et fête son départ, en boîte sur les Champs-Elysées, et que Lui, après avoir rompu avec Sofia, décide aussi de s’étourdir.

On préservera le suspense imaginé et parfaitement maîtrisé par le jeune Aurélien Gougaud, qui a de qui tenir. Homme de radio, musicien, c’est aussi un conteur, comme son père Henri, avec son style bien à lui : tendrement moqueur, légèrement ironique, vif et juste. J.-C. P