10 janvier > Premier roman France > Constance Debré

Avec un tel nom de famille : Debré. Et un titre pareil : Play boy. On s’est dit qu’une nouvelle bombe allait faire voler en éclats la réputation d’un des clans les plus célèbres de la Ve République. Effectivement ça vous pète à la figure, mais par l’écriture - aiguisée, percutante, vertigineuse. A cause de l’histoire aussi : celle de l’auteure, Constance Debré, avocat (sic) à la cour, fraîchement séparée, un fils en garde alternée et une attirance pour les femmes qui sommeillait en elle depuis l’enfance et qui s’est réveillée en chemin, sans crier gare.

Constance rencontre Agnès, plus âgée qu’elle, la mère quinquagénaire d’un adolescent qu’elle a défendu avec succès dans une petite affaire de deal de shit (facile, on n’envoie pas les bourgeois en prison pour si peu). Elles se revoient comme ça, pour rien, ces petits riens que n’épuise aucune conversation et où se love beaucoup d’attente de l’autre. C’est long et lent, et violent le désir. Voyage à Rome, dîners, week-ends d’amies… Un jour tout bascule, la narratrice franchit le Rubicon, il y a de la peau et du plaisir. Surtout pour elle, Agnès, égocentrée, matérialiste. Certains détails crispent la narratrice, qui se découvre plus snob qu’elle ne se l’imaginait. Mais l’amour, n’est-ce pas fait pour aller au-delà ?

On connaît le pedigree de l’auteure : bisaïeul médecin éponyme d’un hôpital parisien, grand-père ministre du général de Gaulle et rédacteur de la Constitution, oncle ministre de Chirac et ancien président du Conseil constitutionnel… Mais ce n’est pas tant de ces hommes au service du bien commun qu’elle est fière que de son père : Constance est fille de François, le mouton noir, le journaliste accro à l’héro. "Bourges et toxicos", voilà comment elle qualifie ses parents. Côté maternel, des aristos, des duchesses, une ancienne maîtresse d’Arletty. Alors c’est sûr, entre ceux qui flambent même quand ils n’ont plus un rond, "l’upper class de la déclasse", et les radins de la bourse et du cœur, ça casse… Agnès a beau avoir fait hypokhâgne, elle reste une petite-bourgeoise au fond.

Entre en scène Albertine alias Albert, quinze ans de moins, recontactée sur Facebook, qui débarque de New York. C’est la fille d’un ancien ami junkie de papa, elle dit qu’elle aime Constance depuis qu’elle a 8 ans. Albert, c’est le profil lipstick, jolie, menue avec du rouge à lèvres (Constance est longue avec les cheveux courts), elle n’a pas fait d’études, mais c’est la grâce, Albert, la grâce et le cul. Depuis La vie heureuse de Nina Bouraoui, on n’avait pas lu livre si fort sur le sujet, mais ici c’est plus punk : Constance Debré assène quelques vérités sur la tartufferie et l’ennui. Upper class et uppercut, on est K.-O.

S. J. R.

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