17 JANVIER - PREMIER ROMAN France

A force de lire Erwan Desplanques dans la revue Décapage qui vient de migrer chez Flammarion et dont il constitue l'un des piliers, on était persuadé qu'il avait déjà publié. Erreur, puisque Si j'y suis est son premier roman. Un livre où il est tout entier.

Le narrateur, Jacques, correcteur de presse, amateur de jazz et de photographie, se dit "dévasté". Sa mère est en train de mourir à l'hôpital, malade de clinophilie ou "syndrome du glissement". La vie la quitte irrémédiablement. Elle va tomber dans le coma, puis s'éteindre. Pour tenter de se reprendre, il décide de retourner sur la plage des Landes de son enfance, et se fait héberger quelques jours par Marion, son ex, une "femme entre deux âges" qui possède là-bas une vieille villa rustique. Mauvaise idée : Marion est avec Edouard, un bellâtre prof d'anglais, et fait comprendre à Jacques qu'il faut qu'il parte. "Je gêne", constate-t-il, s'abandonnant à sa culpabilité coutumière.

Six mois plus tard, ici, c'est-à-dire à Paris, il reprend sa vie "normale" mais pas très satisfaisante, entre Denis, son collègue journaliste devenu ivrogne parce que ça fait "marrer" les autres, ou un oncle ultracatholique qui essaie de ramener cette brebis égarée au bercail. Après un Noël en solitaire, il trouvera une catharsis provisoire dans un match de foot qui lui inspirera cette réflexion : "Il faut que je relise Camus."

Il faut aussi qu'il parte, qu'il essaie d'oublier ses chagrins, ailleurs. En l'occurrence au Vietnam, à Hanoi. Ce qui nous vaut quelques belles pages exotiques. Nouveau barbare en Asie, Jacques revit un peu : il fait de la moto (et tue un chien), rencontre May, une autochtone dont il n'est pas loin de s'éprendre. Il semble se retrouver, mais la réalité a tendance à le fuir à nouveau, comme du sable qui coule entre nos doigts.

Tout cela est sensible et pudique, rondement mené, bref mais dense. Composé en triptyque, Si j'y suis est un livre sur le passage à "l'âge mûr" et les premières épreuves qu'il réserve, ruptures, chagrins, deuils, impression de vacuité, d'inutilité sur terre. Un roman introspectif et fin, jamais ennuyeux. Erwan Desplanques, 33 ans, fait preuve d'une maturité littéraire très prometteuse.

30.10 2014

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