Villes nouvelles. Si l'on se fie à notre environnement proche, on pourrait croire que le choix d'une ville comme capitale d'un pays est une chose immuable. Paris, Londres, Rome... Ce serait oublier que, sous les Romains, c'était Lugdunum (Lyon) qui était la capitale des Gaules. Et que Berlin n'est redevenue la capitale de l'Allemagne qu'après l'effondrement du bloc soviétique, la chute du Mur et la réunification, en 1990. Et ce ne sont pas là des cas isolés. Deux universitaires, spécialistes de géopolitique, Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier ont recensé pas moins de soixante-dix capitales, qui, sur tous les continents et au fil du temps, ont « migré ». Pour des raisons politiques, souvent, comme quand les Anglais ont choisi pour capitale de leur empire des Indes, en 1911, la tranquille et plus centrale New Delhi à la place de la turbulente et étouffante Calcutta où s'agitaient depuis longtemps les nationalistes indiens. Cela peut passer aussi par la mégalomanie d'un dirigeant. Ainsi quand, en 1983, le président de la Côte d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, décide de transférer la capitale de son pays d'Abidjan à sa ville natale de Yamoussoukro. Autre exemple, toujours en cours : le maréchal égyptien Abdel Fattah al-Sissi est en train de faire bâtir, à cinquante kilomètres à l'est du Caire, en plein désert, une ville nouvelle, future capitale administrative, laquelle n'a même pas encore de nom. Et tant pis pour l'histoire millénaire de Fustat puis de la glorieuse Al-Qāhira, capitale depuis 972.

Il y a aussi des histoires plus saugrenues, comme celle de Mafeking, ex-capitale du protectorat britannique du Bechuanaland, située en dehors de ses frontières, en Afrique du Sud ! En 1965, lors de l'indépendance du pays devenu le Botswana, c'est Gaborone, au cœur du territoire, qui fut choisie comme capitale. Citons aussi Mombasa, port antique fondé par les Arabes, conquis par les Portugais puis tombé aux mains des Anglais, capitale de l'Afrique orientale britannique jusqu'à ce qu'en 1905 on lui préfère Nairobi, parce que la ville nouvelle était un hub ferroviaire.

On imagine que tout cela ne s'est pas fait sans problèmes, dépenses insensées, polémiques, résistances. Le sujet est passionnant, traité clairement et accompagné par les cartes très parlantes de Gaëlle Sutton.