Présidente du directoire d'Actes Sud, l'ex-ministre de la Culture, Françoise Nyssen, revient pour Livres Hebdo sur l'annonce faite le 26 septembre d'un changement de gouvernance de l'entreprise à compter du 1er janvier 2023, où Anne-Sylvie Bameule lui succèdera à son poste.
Livres Hebdo : Vous avez annoncé le changement du directoire d’Actes Sud au 1er janvier 2023. Pourquoi le faire à ce moment ?
Françoise Nyssen : Je vais avoir 72 ans et, pour des raisons qui tiennent à moi, je souhaitais passer la main à une nouvelle génération. Il y a évidemment une perte d’agilité, de la façon de raisonner qui est celle de mon âge. Vouloir s’accrocher ce n’est pas mon style. Quand je vois la capacité des plus jeunes à réfléchir… Quelle chance nous avons, Jean-Paul Capitani et moi-même, que trois de nos enfants aient souhaité s’engager dans l’édition ! Julie Gautier est là depuis 16 ans, Anne-Sylvie Bameule depuis 13 ans et Pauline Capitani depuis 7 ans. Elles sont venues avec leurs compétences. Par exemple, le nouveau système d’information porté par Pauline et mis en place avec toute l’équipe fonctionne bien, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d’entreprises qui rencontrent régulièrement des bugs. Anne-Sylvie, diplômée de Sciences-Po, sera amenée en tant que présidente du directoire, en plus de sa responsabilité éditoriale du pôle Arts, nature et société et Jeunesse, à être dans la coordination essentielle du commercial et de la communication au service de l’ensemble de l’éditorial. Ce qui importe ce ne sont pas les étiquettes que l’on a sur le front mais bien ce qu’on fait. Cette transmission familiale est un facteur de préservation de l’emploi. Il suffit de voir en Allemagne : un tissu d’entreprises très agiles porte l’économie. Pauline, avec son bagage de responsable de la production sera en charge de toutes les opérations ainsi que de nos librairies. Cette passation dans les conditions énoncées a pu se faire grâce à Olivier Randon, qui a souhaité laisser son poste de directeur général à Julie qui, en tant que directrice générale adjointe, bénéficie d’une belle expérience sur l’ensemble des métiers dit supports. Il poursuivra son accompagnement jusqu’à ce qu’il décide de prendre sa retraite.
Pourquoi changer tous les postes de direction en même temps ?
Cela nous a paru cohérent, et c’est aussi leur souhait à elles. Les trois s’envisagent comme complices et coresponsables. Elles ont beaucoup discuté entre elles et avec nous. J’ai le sentiment que les équipes ont bien perçu cette complicité. C’est une grande satisfaction de les voir en responsabilité avec leur engagement déterminé. Anne-Sylvie Bameule, Julie Gautier et Pauline Capitani sont déjà nues propriétaires des actions. Nous pouvons donc nous en aller sereinement. Jean-Paul a cédé le Méjan (un lieu familial depuis cent ans, situé au cœur d’Arles) à Actes Sud, pour renforcer le patrimoine de la maison.
L’organisation va-t-elle être modifiée ?
La composition du directoire et du comité de direction reste inchangée. Olivier Randon et moi-même restons membres du directoire, qui est l’instance où sont actées les décisions stratégiques. La volonté est de travailler plus en transversalité avec l’ensemble des membres du comité de direction et avec l’ensemble des équipes. Bertrand Py reste à la direction éditoriale du domaine français et de Payot-Rivages. Alzira Martins, avec Manuel Tricoteaux, coordonne l’ensemble de la littérature et pilote la littérature étrangère.
Quel rôle comptez-vous prendre à partir de janvier ?
Je souhaite continuer à être aux côtés des auteurs. Souvent, les éditeurs n’ont pas suffisamment de temps pour suivre les auteurs comme ils le voudraient. J’aurais plaisir à être encore plus à leurs côtés, notamment lors de manifestations pour représenter la maison.
Quel rôle sera celui de votre mari Jean-Paul Capitani ?
Il reste le président du Conseil de surveillance et demeure très investi. A 78 ans, il souhaite encore développer des projets. Il assure le suivi de l'école, de la ferme, de l’université du Domaine du possible ainsi que de la Croisière et du Printemps, nouveaux tiers-lieux culturels à Arles.
Allez-vous garder toutes vos fonctions annexes, comme au Bureau du Syndicat national de l’édition ?
Bien sûr. Je pense qu’il est important que je reste encore dans cette instance. Par ailleurs, je suis aussi présidente du Festival d’Avignon, qui me tient à cœur, autant que celui des Arts de rues d’Aurillac. Je préside toujours la Maison de la Poésie, le Centre national des arts vocaux de Marseille et Neede-Odysseo, un lieu de formation et de sensibilisation à la transition environnementale. Enfin, je suis vice-présidente des Alliances françaises. Quand on a été en responsabilité publique, il est difficile de s'en départir. Mais je n’interviens pas dans les programmations. Etre présidente, c’est être garante du bon fonctionnement des structures…
Comment espérez-vous Actes Sud dans 10 ans ?
Grâce aux dispositions prises aujourd’hui, je souhaite qu’Actes Sud demeure indépendant, un lieu d’accompagnement de la création littéraire, théâtrale et artistique, un acteur de la diffusion des savoirs, selon un mode repensé pour être plus vertueux écologiquement, avec moins de gaspillages. Naturellement, le développement du numérique et de l’audio est un axe nécessaire. Je souhaiterais également que nous puissions persévérer dans le développement de la jeunesse et de la BD. J'ai toute confiance dans la capacité de cette nouvelle génération à reprendre l'entreprise avec ces idées. Anne-Sylvie, Julie et Pauline sont les garantes de l'esprit de la maison.