1ER SEPTEMBRE - HISTOIRE France

On ne naît pas romancier. Et on ne le devient jamais. Dans son Histoire des romans d'amour, Pierre Lepape rappelle que de Balzac, Stendhal et Flaubert "aucun des trois géants du roman français n'a osé se présenter comme romancier". Alors encore moins comme auteur de romans d'amour, même si chacun a cédé à sa façon à cette exploration de la carte du Tendre.

Des origines avec L'âne d'or d'Apulée au IIe siècle au Passion simple d'Annie Ernaux, l'ancien feuilletoniste du Monde des livres est parti à la recherche de ces textes qui racontent les émois amoureux, au travers de ce genre né en Occident et qui a fini par irriguer le monde entier.

Pierre Lepape se fait le guide bibliothécaire et bon enfant dans ce vaste corpus planétaire. Il explique les oeuvres, les commente et nous dit ce qu'elles ont changé. Il fouille aussi dans les étagères oubliées pour nous proposer avec gourmandise quelques raretés, comme le Polexandre du sieur de Gomberville, publié au début du XVIIe siècle et dont nous n'avions plus entendu parler depuis des lustres. De l'érudition donc, mais surtout beaucoup de plaisir dans la manière d'évoquer un texte, même s'il ne nous dit plus rien.

On comprend pourquoi, effectivement, La princesse de Clèves ne sert à rien dans les concours administratifs puisqu'elle aide seulement à vivre, à saisir ce qu'étaient les tourments du coeur d'une femme qui a connu la cour de Louis XIV et qui se désespère de ne pouvoir écouter son coeur. "L'incomparable succès culturel du roman d'amour est peut-être né de cette alliance des modestes, nouée, dans la plus grande discrétion au sein de la bonne société française, à partir du XVIIe siècle."

Dans ces glissements progressifs des plaisirs, après le grand émoi romantique et quelquefois gnangnan, le choc de la psychanalyse marque une rupture. L'amour devient sexe. Les tabous se transforment en totem que l'on exhibe un peu plus. Proust, Gide, Virginia Woolf, Nabokov ou les surréalistes vont faire de l'amour quelque chose de fou, d'absolu, de dérangeant. Par ailleurs, les crises économiques et sociales aussi se retrouvent dans les convulsions sentimentales des romans de Fitzgerald.

On voit bien comment cette histoire suit l'évolution des moeurs et des arts. "Le roman d'amour, parce qu'il met en scène un excès, une incohérence passagère ou durable, est le lieu (avec le crime, peut-être) où le romanesque se marie le plus aisément avec l'illusion réaliste."

Cette Histoire des romans d'amour est une histoire de l'amour tel qu'il a été vécu, pensé, rêvé, fantasmé, et les oeuvres citées surgissent comme les balises de ce grand voyage sentimental et érotique. Pierre Lepape insiste d'ailleurs sur le fait que le monde est aussi tel qu'on l'invente. C'est pourquoi son Histoire des romans d'amour se confond avec une histoire d'amour pour les romans...

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